Son allure frêle est démentie d’emblée par l’extrême détermination de son regard. Alexandra Caldas, atteinte depuis sa naissance de mucoviscidose, n’a pas voulu réduire sa vie à sa pathologie. Pour se le prouver définitivement et nourrir l’espoir de tous les malades, elle a relevé le 5 août 2017 un défi extraordinaire : une traversée en double aviron entre Tahiti et Moorea pour promouvoir les dons d’organes. Greffée des poumons en 2012, elle l’affirme haut et fort : « La vie, c’est moi ! ».
Née en 1995, Alexandra doit à sa maladie une petite taille et une corpulence toute menue qui ne semblent pas la prédisposer à d’impressionnants exploits physiques. Elle lui doit aussi une enfance différente, marquée par la douleur, des contraintes omniprésentes et des soins très lourds. Mais la jeune femme doit aussi à cette affection héréditaire grave, qu’elle appelle sa “meilleure ennemie”, une force de caractère hors du commun. « Quand tu es atteint d’une telle maladie, tu deviens vite très autonome, car tout jeune, tu dois apprendre toi-même à gérer tes traitements. J’ai aussi voulu faire de cette tragédie une force, et grâce à elle, j’ai sans doute vécu beaucoup de choses que je n’aurais pas vécues sans. », explique-t-elle.
La mucoviscidose est occasionnée par un gène défectueux qui occasionne, notamment, des atteintes pulmonaires et digestives extrêmement graves. Chez Alexandra, elle a drastiquement limité sa capacité respiratoire, au point de réduire cette dernière à 20 % à l’aube de ses 17 ans. Une seule solution pour lui permettre de survivre – même si on ne guérit pas de la mucoviscidose – : une transplantation des deux poumons, qu’elle subira à Paris le 20 novembre 2012, date qu’elle considère comme une « seconde date d’anniversaire » malgré les nombreuses complications post-opératoires des années suivantes.
Pour surmonter de telles épreuves, il faut être doté d’une énergie et d’une joie de vivre peu communes, mais aussi nourrir des rêves qui aident à voir loin. Alexandra, malgré “juste” deux années ”ratées”, poursuit de brillantes études. Elle est aujourd’hui en licence 3 de géographie – aménagement du territoire et vise le master 2 pour travailler à « construire des villes plus respectueuses de l’environnement et du littoral ».
Elle se met aussi en quête de défis à relever. Sa rencontre avec Matthieu Forge, un kinésithérapeute avec lequel elle va nouer une relation très stimulante, sera déterminante. Parce ce qu’elle « râlait tout le temps, mais faisait quand même les choses à une période de sa vie particulièrement douloureuse », le jeune praticien se lie d’une amitié très forte avec la jeune femme. Leur duo sera désormais autant placé sous le signe de l’humour que des challenges. Quand Matthieu quitte la Métropole pour venir s’installer à Tahiti, il incite Alexandra à faire du sport et lui donne des envies de nouveaux horizons. Et parce que son médecin de l’époque lui dit que la Polynésie française est une destination « impensable », la jeune femme décide de tout faire pour y venir…
Il y a moins d’un an, elle intègre l’ancien club d’aviron métropolitain de Matthieu. Au bout de quelques mois, elle est la seule débutante à se voir confier une embarcation pour ramer seule sur de petites distances. Elle est enfin prête à relever la promesse qu’elle s’est faite le jour de sa greffe : matérialiser ses rêves en prouvant aux autres « qu’il faut croire en la vie ».
Quitte à venir en Polynésie, Matthieu lui propose bientôt « un truc de dingue » : réaliser ensemble, en aviron double, une traversée île de Tahiti-Moorea en ralliant le plus de rameurs possible à leur exploit. Lancé 8 mois plus tôt sur Facebook, le premier post de ce qui deviendra le défi “Rame avec Alexandra” recense 11 000 “like” et génère près d’un million de vues. Le projet paraît d’autant plus fou qu’il nécessite d’acheminer jusqu’à Tahiti un aviron de course en mer fabriqué spécialement pour l’occasion à Grenoble … Qu’à cela ne tienne, bientôt les soutiens se bousculent, au premier rang desquels la compagnie aérienne Air Tahiti Nui et le Rotary Club, qui permettront au rêve de devenir réalité.
Le samedi 5 août 2017 au matin, Matthieu et « sa petite sœur de rame » qui n’avait encore jamais parcouru cette distance et encore moins en mer accomplissent les 17 km de la traversée, « en chantant toutes les chansons de leur répertoire pour ne pas abandonner » escortés par plus d’une centaine d’embarcations (notamment un V6 de transplantés rénaux polynésiens). La traversée prendra 2h30. Transportée par l’accueil et le soutien de cette population « si humaine, souriante et accueillante », Alexandra, qui a également profité de son séjour pour faire un stage dans un bureau d’études local spécialisé dans l’environnement, a réussi à prouver à tous « qu’on peut réaliser ses rêves, même malade » ; un message d’espoir qu’elle a bien l’intention de continuer à incarner pour mieux remercier son donneur et promouvoir les dons d’organes.
Pour suivre les exploits et les projets d’Alexandra, rendez-vous sur sa page Facebook Rame avec Alexandra. Durant ce premier séjour en Polynésie, Alexandra a multiplié les expériences : marche sur le feu, rame avec les dauphins, soirée des lauréats du Heiva… De quoi faire naître une vraie passion pour la Polynésie, où elle voit beaucoup à faire encore dans sa spécialité, l’aménagement du territoire. Peut-être le début de nouveaux projets. L’exploit du 5 août va donner lieu à un documentaire destiné à être diffusé sur Polynésie 1ère et France Ô ainsi que dans les hôpitaux métropolitains et sur les vols de la compagnie Air Tahiti Nui. À quelques jours de son retour vers la Métropole, Alexandra a aussi tenu à rencontrer Francis Gazeau, le greffé du cœur polynésien qui n’a pas hésité, lui, à vivre un an en Robinson sur l’atoll de Tahanea afin de promouvoir les dons d’organes.
Virginie Gillet
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