Ahe, infiniment beau

© P. Bacchet© P. BacchetVue aérienne de la partie sud-ouest de l'atoll © P. Bacchet© P. BacchetDimanche matin, village de Tenukupara © P. Bacchet© P. BacchetA l'intérieur de la forêt de Pisonia Grandis © P. BacchetLe Lagon Vert © P. BacchetPêche traditionnelle au patia, un type de harpon © P. Bacchet© P. BacchetUne ferme perlière familiale © P. BacchetGreffe d'huitre, ferme perlière de Tahiti Pearl Market © P. BacchetPerles de Tahiti ©D. Hazama©D. HazamaCentrale solaire hybride de Ahe © P. BacchetFin de journée sur Ahe vue de la pension chez Raita © P. Bacchet© P. BacchetRivage du Lagon Vert © P. Bacchet© P. Bacchet© P. Bacchet© P. Bacchet© P. Bacchet
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Cette île de l’archipel des Tuamotu emporte ses visiteurs dans le monde à part des atolls polynésiens, ces lieux de dépaysement absolu où règnent lumière et couleurs.

A 470 km au Nord-Est de l’île de Tahiti – soit à peine une heure de vol – Ahe convie ses visiteurs à un voyage saisissant dans l’univers des îles coralliennes des Tuamotu, le plus grand archipel de la Polynésie française. Dans cet espace océanique de 1 800 km de long et 450 km de large, s’égrènent 78 atolls. Ce groupe forme, d’ailleurs, le plus grand ensemble d’îles coralliennes de toute l’Océanie intertropicale. Comme ses semblables des Tuamotu, l’île de Ahe est formée par une ceinture de corail, partie visible et émergée, à quelques mètres au-dessus de l’océan, d’un plus vaste édifice, construit au cours de millions d’années. Cette ceinture sépare l’océan du lagon, le véritable trésor d’Ahe par la richesse de sa faune et de sa flore. D’une longueur de 23 km et d’une largeur moyenne de 12, il communique avec l’océan par une unique passe, Tiareroa, située au Nord-Ouest de l’atoll. Large et profonde, elle permet le passage et donc la navigation des bateaux des plaisanciers mais aussi des “goélettes”, ces navires reliant les îles de l’archipel, débarquant et embarquant le fret, et lien vital pour les populations. Le pourtour de l’atoll est constitué d’une succession de motu, terme tahitien désignant les îlots formés par accumulation de fragments et débris coralliens. Cette bande de terre est entrecoupée de hoa, de petites passes peu profondes, voire à sec suivant les conditions de houle et de marée. Avec leurs eaux aux couleurs éclatantes, ces hoa tranchent des lignes vertes dessinées par les rangées d’arbres des cocoteraies, la formation végétale dominante de l’île.

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Aujourd’hui, les 561 habitants disséminés sur le pourtour de l’atoll, constituent une présence des plus discrètes dans la grandeur des paysages. Village principal, Tenukupara, est implanté sur un motu de la partie Sud-Est de l’atoll. Ses habitants sont regroupés autour des lieux de cultes, de la mairie, de la poste et de l’indispensable école primaire accueillant les enfants de l’île. L’activité principale est la perliculture car le lagon présente des conditions très favorables. Les perles de culture de Tahiti auquel il donne naissance sont particulièrement réputées et recherchées. Pour autant, la pêche et le coprah, des activités traditionnelles, restent d’une grande importance pour une bonne partie des habitants. Quant au tourisme, il prend petit à petit son essor, aidé par l’ouverture de l’aérodrome, et la mise en place d’une desserte aérienne en 1998. Le potentiel de l’île est important en raison de la préservation de son environnement exceptionnel, un combat qui mobilise beaucoup les habitants. Ainsi, à l’approche d’Ahe et vue d’avion, le visiteur ne manquera pas d’être saisi par la beauté et la perfection de ces paysages uniques avec cette île semblable à un nénuphar flottant gracieusement sur le bleu de l’océan. Formes douces et couleurs vives passant de l’orangé des rivages coralliens aux variations de bleu et vert de l’océan, elle invite irrésistiblement à la découverte.

Vue aérienne de la partie sud-ouest de l'atoll © P. Bacchet
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Dimanche matin, village de Tenukupara © P. Bacchet

Peuplé dès le premier millénaire

Ahe fut, probablement, peuplée au cours du premier millénaire de notre ère par les Polynésiens qui se répandirent, à l’époque, dans toutes les îles de la Polynésie Orientale en provenance des îles de Polynésie occidentale (les actuelles îles Fidji, Samoa et Tonga). A l’issue de cette longue migration par voie maritime, ils s’installèrent et développèrent une civilisation parfaitement adaptée à cet environnement, notamment par leur maîtrise de techniques de navigation et de la gestion des ressources de l’océan. Ce n’est que bien plus tard, en 1616, que les Européens “découvrirent” Ahe, île observée et répertoriée par les navigateurs hollandais Jacob Le Maire et William Schouten au cours d’une expédition dans le Pacifique. Puis ensuite vinrent le temps des premiers contacts, de la colonisation et, enfin, le passage sous protectorat français dès 1880.

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(Ptilinopus coralensis), Ptilope des tuamotu © P. Bacchet
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Au fil de l’eau, Itinéraire coloré

Le lagon est le véritable cœur de l’île, un bien naturel et commun précieux qui en fait sa richesse, sa différence et son incomparable charme. Ici, la terre ferme est l’exception et l’eau, la règle, tout se passe donc autours de cette vaste étendue d’eau à la fois somptueux paysage quotidien, lieu de travail et de détente. Pour les habitants, il est aussi un lien indispensable que l’on sillonne pour aller visiter la famille et les amis, faire les courses, pêcher, plonger… Ici, on fait du bateau comme l’on marche. L’atoll ne compte aucune route effectuant le tour de leur île. Tout juste quelques bouts de piste en soupe de corail se frayant un chemin entre le lagon et le platier à travers les cocoteraies et les buissons courbés par le vent du large et les embruns salés. Comme les habitants, il convient donc d’embarquer pour découvrir toutes les richesses de l’île !

Rivage du Lagon Vert © P. Bacchet

Lagon Vert

 D’abord, cap sur la pointe de l’atoll au Sud-Ouest, à quelques 30 km de son point d’entrée aéroportuaire, pour une visite des plus marquantes du Lagon Vert. Dans cette partie, au bord du vaste Motu Haka, vents et courants dominants ont poussé et amassé les sables coralliens les plus fins, comblant le lagon dont la profondeur se réduit pour atteindre quelques mètres voire quelques centimètres seulement. Des bancs de sable tracent ici des figures parfaites et élégantes délimitant une piscine tropicale aux couleurs extravagantes par leur pureté et leur éclat. La dénomination du lieu n’est donc pas un “attrape-touriste”, loin s’en faut. Vert émeraude, bleu ciel, et vert de la cocoteraies rivalisent. Des couleurs extraordinaires, comme tombées du ciel tant elles sont inconnues de bien des visiteurs extérieurs à cet univers si particuliers, en fait la quintessence du rêve polynésien !

Le Lagon Vert © P. Bacchet
A l'intérieur de la forêt de Pisonia Grandis © P. Bacchet

Forêt d’émeraude

 A l’opposé de ces paysages éclatant de clarté, l’atoll accueille sur un des motu de sa partie Nord, un lieu tout aussi hors du commun. Il se signale, d’abord, par une nette rupture dans la belle ligne de cocotiers qui borde tout l’atoll. D’un seul coup, s’élancent au dessus de l’horizon des arbres touffus. Au-dessus, volent des dizaines d’oiseaux. Arrivée sur les rivages de ce singulier motu, on est alors saisi par la fraîcheur du lieu et sa verdure, tranchant avec les paysages secs et baignées de soleil des rivages habituels de l’atoll. Là, se dévoilent une véritable forêt, dense, avec ses arbres aux racines tortueuses couvrant littéralement le sol. Immergé dans ce décor, le visiteur en oublierait presque qu’il est sur un atoll au milieu de l’océan Pacifique. Le lieu évoque davantage les forêts européennes ou amazoniennes…Cette formation végétale unique est constituée, en grande partie, d’une variété d’arbres, Pisonia Grandis, de son nom scientifique, appelée puka en langue paumotu et pu’atea en tahitien. Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce type de forêt constituait une bonne partie de la végétation des atolls des Tuamotu à l’époque pré – européenne. Mais tout a changé avec la colonisation, au cours du 19ème siècle. Sous l’impulsion des nouveaux arrivants, il a été planté, massivement, des cocotiers dans le but de faire face à la demande mondiale grandissante en huile de coprah, un corps gras des plus prisés. Les forêts originelles ont été sacrifiées, coupées ou brulées, pour faire place à cette culture extensive du cocotier qui a transformé spectaculairement et durablement les paysages insulaires ainsi que leur équilibre naturel. Aujourd’hui, la forêt de Pisonia grandis, dite “relictuelle”, est préservée par les habitants de l’atoll, bien conscients de la valeur d’un tel patrimoine naturel à l’heure ou l’on se soucie, de plus en plus, de la biodiversité et de la protection de l’environnement.

Pêche traditionnelle au patia, un type de harpon © P. Bacchet

Moana, bleu profond

 Ensuite, nous nous rendons à la passe Tiareroa, le poumon de cet immense être vivant qu’est le lagon. Au fil des marées, il se vide en partie créant un fort courant sortant et, à l’inverse, se remplit lors de la marée montante. Un balancement perpétuel, une respiration naturelle qui fait de ce lieu un aquarium plein de vie. Poissons du large et poissons du lagon se mélangent pour le plus grand bonheur des plongeurs et chasseurs sous-marins, également. Par-delà cette porte naturelle, on entre réellement dans le domaine de l’océan, de la haute mer, avec sa couleur caractéristique bleu foncé. En tahitien, il est dit moana, terme désignant tout à la fois cette couleur, l’océan en général et la zone où commence la mer profonde, cet autre univers… Côté océan, toujours, sur le platier, les puissants trains de houle du Pacifique viennent déferler en un mouvement régulier, lisse, parfait. L’œil averti détecte la présence d’un “spot” idéal pour les surfeurs lorsque la houle se renforce. Effectivement, la passe bénéficie maintenant d’une notoriété qui a franchi les frontières du pays, attirant des surfeurs étrangers, en quête de la vague parfaite dans un environnement idyllique. Willy Richmond, notre guide nous explique, un brin rigolard : “Ici, on appelle cette vague Evasan !” Ce terme est l’abréviation familière de “Evacuation Sanitaire”, en clair le rapatriement, plus ou moins en urgence, d’une personne blessée en direction des hôpitaux de Papeete à partir des îles…Effectivement, la vague est belle mais l’erreur n’est pas permise aux surfeurs, risquant, en cas de chute, de tâter le dur et coupant corail. La beauté du lieu et ce “surfing in Paradise” se méritent au prix du danger !

© P. Bacchet

Milles couleurs

 La visite de Ahe ne saurait être complète sans la découverte de la perliculture. Activité clef dont la partie la plus visible se matérialise par ces multiples constructions sur pilotis s’avançant au-dessus du lagon : simples maisonnettes ou bâtiments plus imposants aux couleurs vives tranchant sur les eaux claires. Certaines de ces fermes perlières ont même parfois élus domicile sur les karera, édifices coralliens à la taille suffisante pour affleurer au milieu du profond lagon. Sur les eaux, des ribambelles de bouées multicolores signalent la présence sous la surface des lignes portant les précieuses huitres perlières, les Pinctada Margartifera, qui, à force de patience et de travail, engendreront ces si renommées perles de culture de Tahiti, ces authentiques gemmes vivants aux milles couleurs et reflets. Sur les 25 îles de la Polynésie française officiellement recensées comme lieu de culture de la Perle de Tahiti, Ahe se classe dans le top cinq. Pas moins de 1 057 hectare de “concessions maritimes” sont dédiés à cette culture au sein de ce lagon aux eaux particulièrement favorables. En tout, ce sont plus d’une centaine de fermes qui collectent et élèvent les précieuses huitres. Bien sûr, après les années fastes de la décennie 1990, une surproduction a quelque peu mis à mal le métier et le secteur. 

Perles de Ahe ©D. Hazama
Une ferme perlière familiale © P. Bacchet
Centrale solaire hybride de Ahe © P. Bacchet
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Greffe d'huitre, ferme perlière de Tahiti Pearl Market © P. Bacchet

Néanmoins, l’activité se pérennise avec des exigences de qualité de plus en plus grandes. Sur le motu Tahiri est implanté l’une des principales fermes de l’île. Elle appartient à Francky Teamatai, plus connu sous l’enseigne de son réseau de points de vente, Tahiti Pearl Market, qui est, aujourd’hui, l’un des principaux acteurs du secteur. Là, nous sommes reçus par Jean-Michel, professionnel expérimenté de la perle, qui dirige cette petite communauté de 40 personnes. Partout on s’active pour prendre soin des précieuses huitres, organismes vivants nécessitant des attentions constantes. Pendant que des équipes ramènent les lignes du lagon pour procéder à un nettoyage des huîtres, dans un autre bâtiment, on procède à la greffe. L’organisation est bien rôdée, et il ne faut pas perdre de temps. “Aujourd’hui, on n’est plus dans la course à la production, explique Jean-Michel, la qualité prime avant tout ! “. Ainsi, après une crise que l’on pourrait dire “de jeunesse”, la Perle de Tahiti ouvre une nouvelle page de son histoire, résolument tournée vers la qualité mais aussi de nouvelles exigences dans le domaine de la protection de l’environnement. Un changement majeur au moment où cette activité célèbre son cinquantenaire en Polynésie française. C’est en effet en 1961 que furent réalisées les premières greffes à grande échelle sur l’atoll de Hikueru.

Motu sur l'atoll de Ahe © P. Bacchet

Brillant !

Plus loin, changement de décor spectaculaire, avec la découverte du motu Tia Kumi Kumi à quelques minutes de bateau du village de Tenukupara. Là, s’alignent plus de 964 panneaux photovoltaïques, vaste surface bleutée, surgissant au détour de la cocoteraie. Une centrale hybride thermique – photovoltaïque qui constitue une installation unique dans l’archipel des Tuamotu. Elle fait la fierté des habitants. Une belle réussite à l’heure ou le monde entier s’affole sur la fin du pétrole et s’inquiète de ces énergies fossiles qui alimentent inéluctablement “l’effet de serre”. Signe de l’efficacité de l’énergie solaire, une moitié seulement des panneaux sont utilisées pour. Pour l’instant, la capacité de production de cette centrale est bien supérieure à la demande des foyers connectés…. Fruit d’un partenariat entre l’Union Européenne, l’Etat français et les autorités du pays, la centrale est dite “hybride” car en cas d’insuffisance de la production par photovoltaïque, un groupe électrogène “classique” prend le relais. Un cas de figure qui ne s’est jamais produit. Le soleil semble suffire ! Et au vu de son ardeur dans l’archipel des Tuamotu, on comprend effectivement tout l’avantage de cette énergie renouvelable qu’ont su adopter avec intelligence les habitants. D’ailleurs, le visiteur découvrira, ça et là, de nombreuses installations photovoltaïques pour les foyers les plus isolées. Dans l’île, on est résolument pionnier dans ce domaine alors que, dans bien d’autres endroits, on se pose encore des questions et on hésite… Mais, ici, on a appris, depuis fort longtemps, à vivre avec son environnement et non contre lui !

Fin de journée sur Ahe vue de la pension chez Raita © P. Bacchet

Crépusculaire…

Quand vient la fin de la journée, le spectacle devient total. Il est à la fois sur terre, en mer et au ciel. La nuit arrive et le ciel passe alors par un étonnant nuancier allant du bleu clair au gris acier en passant par l’orangér. Le coucher du soleil est un spectacle sans cesse renouvelé et différent, prenant ici une dimension autre, plus vaste, comme au diapason de l’océan qui entoure ces atolls disséminés dans à la surface de la plus grande étendue d’eau de la Planète. Un spectacle inspirant une grande quiétude et poussant à un retour vers ce qui est essentiel. Un essentiel dont on est bien proche à Ahe.

Ahe, infiniment beau
Ahe, infiniment beau
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Cette île de l'archipel des Tuamotu emporte ses visiteurs dans le monde à part des atolls polynésiens, ces lieux de dépaysement absolu où règnent lumière et couleurs.
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welcome Tahiti
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