Ambassadeur No’oanga, siège de chef de Rurutu

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Présentes dans le monde entier, des œuvres d’arts polynésiennes font découvrir notre culture et lui permettent de rayonner bien au-delà de nos îles. Découvrez ce no’oanga, un siège de chef, superbe œuvre du XIXe siècle provenant de l’île de Rurutu. Il a récemment été vendu aux enchères à Sotheby’s Paris pour la somme d’un million d’euros !

De nombreuses personnes m’ont récemment demandé comment il était possible de débourser un million d’euros pour un petit tabouret venant de Rurutu ? Pour celles et ceux d’entre vous qui ne savent pas de quoi je parle, le 22 juin 2016, chez Sotheby’s Paris, s’est vendu un no’oanga (un siège de chef) datant du XIXe siècle et provenant de l’île de Rurutu en Polynésie française. Cette pièce était estimée entre 500 000 et 700 000 euros. Le marteau est tombé à 900 000 euros, auxquels s’ajoute la commission de Sotheby’s, pour un prix final de 1 083 000 euros soit 129,2 millions de Fcfp. Personnellement, je pensais qu’un tel objet irait encore plus haut…

Joseph Banks, jeune et riche botaniste britannique, paya 10 000 livres pour embarquer avec le Capitaine James Cook lors de son premier voyage dans le Pacifique. En 1769, Cook et Banks découvrirent l’île de Ohitiroa (la longue côte) que les indigènes appelaient Rurutu. Banks nota à l’époque : « Des quelques objets que nous avons vus chez ces gens, tous étaient d’une sophistication infiniment supérieure à ce que nous avions vu auparavant. »

Mais quels sont les facteurs qui déterminent le prix d’un objet ? Premièrement, la rareté de la pièce : il s’agit là d’un des sept no’oanga recensés dans le monde. Deuxièmement, sa qualité : ce siège de la plus haute élégance a été sculpté dans un seul bloc de bois, ses pieds sont hémisphériques et son plateau doté de superbes courbes. Ce chef-d’œuvre a été sculpté avec des outils en pierre et coquillage dans du bois de Calophyllum Inophyllum (Famille des Guttiferae). Les Polynésiens appellent ce bois tämanu ou ’ati. Afin de parvenir à cette magnifique patine d’un brun foncé, la surface a très probablement été polie au sable et à l’huile. Le design résolument moderne de ce no’oanga révèle les techniques polynésiennes d’avant-garde pour l’époque ainsi que la pureté des lignes – autant d’éléments qui rendent cet objet extraordinaire. Troisièmement, sa provenance. En 1821, la London Missionary Society décida d’envoyer une délégation de deux personnes (le révérend Daniel Tyerman, accompagné de George Bennet, un assistant originaire de Sheffield en Angleterre) en voyage autour du monde afin de rendre compte des progrès de la mission sur le terrain.

De 1821 à 1829, Tyerman et Bennet parcoururent quelque 150 000 km, et passèrent notamment trois ans en Polynésie. Le 30 septembre 1822, Tyerman, Bennet et William Ellis (un missionnaire d’Hawaii) arrivèrent à Rurutu. Après avoir survécu à un débarquement périlleux, ils furent accueillis par le Roi Teuruarii (“âgé d’environ dix-huit ans”), la reine, et le dauphin, leur fils, ainsi que tous les gens de Rurutu soit environ quatre cents individus. C’est à cette occasion que Bennet se vit offrir ce no’oanga. Le 4 octobre, il retrouva avec ses deux compagnons leur base de Huahine dans les îles de la Société. Deux jours plus tard, il inscrivit sous le plateau du siège : « Geo Bennet, Oct 6 1822 Rurutu made » (Montgomery 1831). Cette inscription prouve à mes yeux qu’il souhaitait conserver cet objet dans sa collection de façon permanente. Cette pièce a été exposée en 2006 à Norwich (Angleterre), au Sainsbury Centre for Visual Arts pour l’exposition Pacific Encounters, Art and Divinity in Polynesia, puis à Paris, au musée du Quai Branly, pour l’exposition Polynésie, Arts et Divinités, 1760-1860. Ce chef d’œuvre polynésien a été adjugé, par téléphone, à un chanceux collectionneur européen.

Laurance Alexander Rudzinoff

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Présentes dans le monde entier, des œuvres d’arts polynésiennes font découvrir notre culture et lui permettent de rayonner bien au-delà de nos îles. Découvrez ce no’oanga, un siège de chef, superbe œuvre du XIXe siècle provenant de l’île de Rurutu. Il a récemment été vendu aux enchères à Sotheby’s Paris pour la somme d’un million d’euros !
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