Rares sont les peintres qui fascinent autant ! Paul Gauguin est incontestablement de ceux-là. Révolutionnaire et génial, le peintre français a été et demeure un des meilleurs ambassadeurs de Tahiti, un lieu qui lui a inspiré ses plus belles créations. La fondation Beyeler à Bâle en Suisse est parvenue à réunir cinquante chefs d’œuvres de Gauguin dont les plus marquants de sa période tahitienne. Découvrez cette exposition unanimement reconnue comme “historique” et qui a attiré 370 000 visiteurs de février à juin 2015.
Cette année, les amateurs d’art ont eu la chance de leur vie : cinquante-et-un chefs-d’œuvre de Paul Gauguin, l’un des plus importants et fascinants peintres de tous les temps, réunis sous le même toit. Pour mettre en place cette exposition, il a fallu emprunter des chefs-d’œuvre à des musées et des collections privées du monde entier. Les pièces provenaient de 13 pays différents : Suisse, Allemagne, France, Espagne, Belgique, Grande-Bretagne (Angleterre et Ecosse), Danemark, Hongrie, Norvège, République Tchèque, Russie, Etats-Unis et Canada. L’exposition était principalement focalisée sur les œuvres réalisées par l’artiste en Polynésie. Ont aussi été présentés plusieurs de ses chefs-d’œuvre de Bretagne. Plus de six années ont été nécessaires pour tout mettre en place. A lui seul, le montant des assurances nécessaires s’est élevé à plus de 2,5 millions d’euros. En tout, 369 787 amoureux de l’art ont visité the exposition Gauguin historique.
La fascination de Gauguin pour la Polynésie
Paul Gauguin n’appréciait par la Révolution Industrielle. Il voulait s’en éloigner, quitter ce qui lui paraissait faux. Il passa sa vie entière de peintre à la recherche d’un style de vie primitif et vierge de toute influence. Lorsque son ami Vincent Van Gogh lui parla d’un livre à succès qu’il avait lu, Le Mariage de Loti de Pierre Loti, le lieu décrit dans l’ouvrage lui parut absolument idéal. Loti décrivait la Polynésie comme un océan parsemé d’îles tropicales où personne ne travaille, où les poissons sont libres dans leur royaume, où les arbres sont couverts de fruits, où les femmes vivent à moitié nues et où l’amour est gratuit ! Gauguin effectua deux séjours en Polynésie. Le premier, à Tahiti, de juin 1891 au 30 août 1893, date à laquelle il retourna sur Paris. Puis, il quitta finalement la France le 9 septembre 1896 pour rejoindre Tahiti puis les Marquises où il s’éteignit, à Hiva Oa, le 8 mai 1903.
Au moment de sa mort, il n’était connu que de quelques amis artistes et d’un petit groupe de collectionneurs. Sa renommée commença à se répandre environ deux ans plus tard grâce à une exposition de ses œuvres organisée par le légendaire marchand d’art Ambroise Vollard, puis grâce à une exposition intitulée “Hommage à Gauguin” au Petit Palais, à Paris. Gauguin est aujourd’hui vu par beaucoup comme le Père de l’Art Moderne dont le travail a influencé Picasso et Matisse, et d’importants mouvements artistiques comme le Fauvisme et l’Expressionnisme allemand. Il n’a malheureusement pas eu l’occasion de savourer cette notoriété.
Laurance Alexander Rudzinoff
Paul Gauguin
« La Vision après le Sermon » 1888
Huile sur toile, 72.2 X 91 cm.
Scottish National Gallery, Edimbourg, Ecosse
Il s’agit d’une peinture étonnante pour son époque. On remarquera comme les personnages au premier plan tournent le dos au spectateur. La couleur rouge vif du sol contraste avec la blancheur des coiffes bretonnes – une technique employée par les graveurs japonais. Gauguin avait offert ce tableau à un prêtre de Nizon qui le refusa. Nizon est une ancienne commune du Finistère, en Bretagne, qui fusionna en 1954 avec la ville voisine de Pont-Aven.
Paul Gauguin
« Autoportrait et Christ jaune » 1890-1891
Huile sur toile, 38 X 46 cm. / Musée d’Orsay, Paris, France
Sur cet autoportrait, Gauguin montre au spectateur comment il se voyait lui-même, à la fois martyr et sauvage.
Paul Gauguin
« Aha oe feii ? » / « Eh quoi ! Tu es jalouse ? » 1892
Huile sur toile, 66 X 89 cm.
Musée des Beaux Arts Pouchkine, Moscou
Ici, Gauguin a peint deux séduisantes femmes qui ne sourient pas. L’air démoralisé, elles semblent méditer sur un monde ancien depuis longtemps disparu.
Paul Gauguin
« Matamua » / « Autrefois » 1892
Huile sur toile, 91 X 69 cm.
Collection Carmen Thyssen- Bornemisza, En prêt au MuséeThyssen-Bornemisza, Madrid, Espagne
Cette oeuvre montre le monde tel que Gauguin le rêvait et le monde qu’il a découvert. Les deux
femmes sur la droite illustrent ce que Gauguin a trouvé à son arrivée à Tahiti, tandis que les
trois femmes à l’arrière-plan personnifient la vision qu’avait Gauguin d’un monde païen
idyllique. L’idole représentée est Hina (la Déesse de la Lune).
Paul Gauguin
« Oviri » / « Sauvage » 1894
Grès partiellement vernissé
Musée d’Orsay, Paris, France
Dans une lettre datée de 1900 adressée à son ami Daniel de Monfreid, Gauguin demande à ce que sa sculpture soit placée sur sa tombe à son décès. La pièce a terminé au Musée d’Orsay, à Paris, et c’est une copie en bronze qui décore sa tombe aux Marquises depuis 1970. Gauguin se considérait et se vendait comme un sauvage. Il se reconnaissait dans la figure représentée ici. Oviri est une femme aux proportions monstrueuses piétinant une louve démoniaque tout en écrasant un louveteau sur sa hanche.
Paul Gauguin
« Contes Barbares », 1902
Museum Folkwang, Essen, Allemagne
Exécutée un an avant sa mort, cette mystérieuse scène de nuit montre au premier plan une magnifique jeune femme aux cheveux roux roux. Derrière elle se trouve une figure androgyne et figée, assise dans la position du lotus. Et derrière les deux personnages est représenté un vieil ami de Gauguin, le peintre néerlandais Jacob Meyer de Haan, personnage effrayant au regard pénétrant et aux ongles griffus.
Paul Gauguin
« Le Christ Jaune » 1889
Huile sur toile 92.1 cm. X 73.5 cm
The Albright-Knox Art Gallery – Buffalo, New York, U.S.A.
Le Christ Jaune est un très bel exemple du cloisonnisme (un style caractérisé par des zones de couleur vive cernées d’un trait plus foncé) et du symbolisme (où le sujet est idéalisé). De nombreux spécialistes considèrent cette oeuvre comme l’une des matrices du courant symboliste.
Paul Gauguin
« Cavaliers sur la plage (II) » 1902
Collection privée
Cette image est emplie d’un goût d’adieu mélancolique, comme si Gauguin avait prévu sa propre mort dans les mois suivants. Les cavaliers s’approchent calmement des confins des terres et de la mer, lieu qui suggère peut-être la frontière entre la vie et la mort.
Paul Gauguin
« Vahine no te tiare » / « La femme à la fleur » 1891
Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague, Danemark
Ici, Gauguin a capturé la beauté physique et mystique de cette jeune femme. Portant une robe qui dissimule son corps, elle tient une fleur et regarde dans le vide vers un passé perdu.
Paul Gauguin
« Nafea Faa Ipoipo » – « Quand te maries-tu ? » 1892
Musée Royal du Qatar
L’oeuvre de Gauguin dont on a le plus parlé dans le monde, « Nafea Faa Ipoipo » (« Quand te maries-tu ? »). Cette toile a été acquise l’année dernière par la famille royale du Qatar pour la somme surréaliste de 300 millions de dollars US. Plutôt ironique lorsqu’on pense que Paul Gauguin l’avait proposée en 1893 au légendaire marchand impressionniste Paul Durand-Ruel pour 1 500 francs. Et Durand-Ruel
avait refusé ! On notera le contraste entre le décolleté de la femme au premier plan et la robe de missionnaire de celle placée au second plan.
Paul Gauguin
« Parau api ? » / « Quelles nouvelles ? » 1892
Huile sur toile, 67 X 91cm.
Staatliche Kunstsammlunger, Dresde, Allemagne
Le titre de cette toile est « Quelles nouvelles ? » En fait, il n’y a pas de nouvelles, il y a juste la même vie pleine d’ennui. C’est le contraire de ce que Gauguin pensait trouver à Tahiti. Comme toujours dans les oeuvres de l’artiste, les femmes ne sourient pas, elles semblent défaites, désespérées et pourtant elles sont captivantes, elles contemplent leur passé perdu.
Paul Gauguin
« D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? » 1897
Huile sur toile, 139.1 X 374.6 cm.
Museum of Fine Arts, Boston, Etats-Unis.
Cette oeuvre montre l’interprétation du cycle de la vie par Gauguin. Il considérait cette toile comme son grand chefd’oeuvre. Gauguin a peint cette oeuvre monumentale dans l’idée qu’elle serait la dernière. Après l’avoir achevée, il tenta de mettre fin à ses jours.
La fondation Beyeler : un mécénat artistique trentenaire
La ville Suisse de Bâle a jadis craint de voir l’un de ses enfants préférés, le légendaire marchand d’art Ernst Beyeler, faire comme le Baron Thyssen et partir au loin avec sa collection d’art. Le Kunstmuseum de Bâle avait proposé de construire une extension du musée qui aurait été consacrée à la collection Beyeler. L’idée avait d’abord séduit Monsieur Beyeler, puis il s’était rendu compte que la collection permanente du Kunstmuseum et la sienne comprenaient trop d’œuvres similaires, ce qui signifiait que certaines de ses pièces allaient finir dans les réserves et ne verraient jamais la lumière du jour. En 1993, après plusieurs années de discussions entre la commune limitrophe de Riehen et Ernst Beyeler, un référendum sur une possible fondation artistique fut proposé à la population. La proposition fut approuvée à une large majorité. La construction du musée fut financée par une fondation à but non lucratif fondée en 1982 et dirigée par Hildy et Ernst Beyeler. Les autorités de Riehen fournirent le site à titre gracieux et le canton de Basel-Stadt contribue à hauteur de 2.78 millions CHF (environ 2,5 millions EUR) aux coûts de fonctionnement. L’architecte mondialement reconnu Renzo Piano fut choisi pour concevoir le bâtiment.