Depuis 2002, le territoire de la Polynésie française constitue une des plus grandes aires de protection au monde pour les mammifères marins. Là, à l’abri des pêches, se rassemblent de juillet à novembre les baleines à bosse. En provenance des eaux de l’Antarctique, elles viennent se réfugier autours de nos îles pour, entre autres, mettre bas et élever leurs petits. Partez à leur découverte et à leur rencontre !
Espèces migratrices venues de l’Antarctique, les baleines à bosse sont attendues chaque année de juillet à novembre dans nos îles. Ces étonnants mammifères marins parcourent inlassablement le plus grand océan de la planète. Certains individus reviennent en Polynésie, d’autres sont revus dans les pays voisins. D’une longueur de 15 mètres pour environ 40 tonnes, les scientifiques les nomment Megaptera novaeangliae (grandes ailes de Nouvelle Angleterre) en raison de leurs longues nageoires pectorales qui peuvent atteindre jusqu’à 5 mètres. Durant leur passage dans les eaux qui bordent les îles de la Polynésie française, elles vont offrir un superbe spectacle aux passionnés ou aux simples amoureux de la nature désirant contempler leurs sauts, leur puissant souffle, leur caudale et, bien sûr, leurs baleineaux. Les mâles arrivent les premiers en Polynésie. Ils sont suivis par les jeunes et par les femelles accompagnées de leur petit âgé d’un an, mais aussi par les femelles prêtes à mettre bas. Après avoir parcouru près de 7 000 Km, épuisées, ces futures mamans choisissent nos eaux chaudes et clémentes pour mettre au monde leur baleineau, le plus souvent près des côtes, à l’abri des prédateurs. Le nouveau-né, de près d’une tonne quand même, double son poids 2 semaines après sa naissance en avalant quotidiennement environ 400 litres du lait très riche de sa mère.
Sa croissance est favorisée car il n’a pas à lutter contre les eaux glacées de l’Antarctique. Cette prise de poids rapide est vitale pour échapper aux prédateurs et pour se préparer à affronter les eaux polaires. Ces dernières présentent l’immense avantage d’être très riches en krill, de très petits crustacés pélagiques qui constituent la principale alimentation de ces cétacés. À l’inverse, parce que nos eaux chaudes en sont presque dépourvues, les femelles qui allaitent peuvent perdre jusqu’à un tiers de leur poids. C’est pourquoi la migration vers le grand Sud leur est indispensable pour reconstituer leur stock de graisse ! En Polynésie française, les mères sociabilisent et éduquent les nouveaux-nés, les accompagnent ensuite lors du retour dans l’Antarctique, où elles leur apprennent à se nourrir de krill. L’année suivante, le couple mère-petit remonte dans le Pacifique. Une fois la leçon apprise, ces jeunes, âgés de 1 à 2 ans, sont livrés à eux-mêmes. C’est alors que la femelle peut s’accoupler à nouveau dans nos latitudes. Le chant émouvant des mâles attire l’attention des femelles libres pour l’accouplement. De magnifiques parades nuptiales accompagnées de sauts spectaculaires sont visibles depuis les côtes. En mer, la prudence s’impose cependant à la proximité de ces gigantesques mammifères pesant chacun près de 40 tonnes.
De la chasse au grand sanctuaire du monde
Les populations de baleines à bosse et leurs migrations sont connues à travers le monde par… les baleiniers. C’est, paradoxalement, grâce à leurs informations que nous pouvons en retracer l’histoire dans le Pacifique Sud. Entre le 19e et le début du 20e siècle, les baleiniers pêchent les baleines, de juillet à novembre, de la Nouvelle Zélande à la Nouvelle Calédonie, en passant par Fidji, les îles Cook, Tonga, et l’Australie. Les archives indiquent qu’à cette époque aucune baleine à bosse ne fut tuée en Polynésie française. En revanche, dès le début du 20e siècle, les baleiniers, alors bien présents en Polynésie française, ont chassé un grand nombre de cachalots. La présence de baleines à bosse n’est pas encore mentionnée. Il faut attendre la moitié du 20e siècle pour que des milliers de baleines à bosse soient chassées et tuées dans les eaux du sud de la Polynésie française. En moins de 40 ans, de 1920 à 1960, plus de 2 millions de baleines furent tuées, dont environ 200 000 baleines à bosse. Presque 97 % de la population mondiale de cette espèce ont été massacrés. En 1962, il ne restait plus que 3 % du stock originel. En 1986, la Commission Baleinière Internationale met officiellement un terme à ce massacre en créant un moratoire. Pourtant, chaque année de nombreuses pêches de baleines à bosse dans le Pacifique sont pratiquées pour des raisons prétendues « scientifiques »… Mais aujourd’hui, en Polynésie française, les baleines et tous les mammifères marins peuvent venir se reproduire, mettre bas et pour certains se sédentariser, en toute tranquillité ! En 2002 a été créé en Polynésie française et à l’initiative des autorités du territoire, ce qui constitue un des plus grands “sanctuaires” au monde avec une surface océanique de 5 millions de kilomètres carrés. Il abrite 24 espèces de baleines et de dauphins, ce qui caractérise une diversité biologique élevée. Le Code de l’environnement de la Polynésie française réglemente strictement les activités autour des cétacés et prévoit les sanctions en cas de non-respect. Ainsi, le harcèlement, la capture, la chasse sont strictement interdits. L’approche en bateau et dans l’eau est réglementée, les activités commerciales, les études scientifiques et les prises audiovisuelles sont soumises à autorisation délivrée par la DIREN (Direction de l’Environnement).
Observer les cétacés
Rien de plus sensationnel que d’observer les baleines à bosse et les dauphins évoluer dans leur milieu naturel. Le whale watching, activité éco-touristique a remplacé la chasse à la baleine ! Les professionnels, formés par la DIREN, connaissent les règles d’approche respectueuses pour les animaux. En revanche, chaque année, un grand nombre de bateaux approchent ces cétacés sans respecter les règles d’approche élémentaires, soit par méconnaissance soit par mépris. Devant cette pression grandissante autour des baleines et de leurs baleineaux, l’association Mata Tohora, soutenue par le Ministère de l’Écologie et la DIREN a mis en place le programme « C’est Assez ! ». Pour la 3e année consécutive, ce programme est mis en place entre Tahiti et Moorea. Le principal objectif est de sensibiliser les usagers de la mer en allant à leur rencontre en mer pour leur indiquer l’existence du sanctuaire et leur expliquer les règles d’approche, ceci afin de pouvoir observer les baleines et les dauphins en toute sécurité et sans les perturber. De part son réel succès et ses bons résultats, il est aujourd’hui renouvelé tous les ans.
Vous pouvez participer à ce programme en contactant l’association, et même devenir un observateur du réseau d’observation de Mata Tohora. L’association réalise, en effet, des sorties en mer, de juillet à novembre, afin de sensibiliser les plaisanciers et les professionnels de la mer mais aussi pour recenser les baleines à bosse et étudier leur comportement. Comment évolue leur comportement en présence ou non de bateaux ? Y a t-il un impact des pressions humaines sur le développement du baleineau ? Observations de nouveaux individus ou retrouvailles ? L’identification des baleines à bosse est également réalisée par Mata Tohora par la photographie de la nageoire caudale, spécifique à chaque individu. Cette base de données, transmise à la DIREN, permet de mieux connaitre la population de baleines à bosse qui fréquente nos eaux. En collaboration avec nos collègues du Pacifique sud, l’association étudie ainsi leurs déplacements. Protection, observations et respect de ces majestueux mammifères sont donc au cœur de l’action de notre association afin que le sanctuaire polynésien demeure un lieu non seulement d’accueil de cette espèce menacée mais aussi un lieu privilégié de rencontre entre hommes et baleines.
Agnès Benett
Docteur en biologie marine
Présidente de l’association Mata Tohora
Directrice du bureau d’études Protection et Gestion des Écosystèmes Marins (PROGEM)
L’association Mata Tohora (L'Œil de la baleine)
L’association Mata Tohora – ce qui signifie l’Œil de la Baleine en tahitien – est le fruit de la demande de nombreux passionnés des mammifères marins désirant se regrouper pour agir en faveur de ces animaux en Polynésie française. Ainsi s’est composée une équipe pluridisciplinaire de biologistes marins, ingénieur du son, enseignants, animateurs, naturalistes, artistes, graphistes, vétérinaires, etc. De par la diversité des volontaires, différentes activités sont proposées régulièrement autour du thème des mammifères marins : communication sur l’eau auprès des usagers de la mer, études scientifiques, interventions d’urgence, recherches participatives, conférences grand public, interventions pédagogiques dans les écoles, collèges et lycées; animations à l’hôpital du Taaone à Pirae au service pédiatrique pour faire oublier aux enfants les soins et les piqûres grâce aux cétacés ! En soutenant l’association Mata Tohora par votre participation physique, (volontariat, congés, stages étudiants, etc.) ou financière (sponsoring, parrainage, don de matériel, etc.) vous contribuerez également à la protection et à une meilleure connaissance des mammifères marins en Polynésie française.
Pour plus d’informations et vous joindre à nous, contactez-nous : info@matatohora.com
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