Au cœur de l’archipel des Tuamotu, cet atoll dévoile un environnement d’une richesse et d’une beauté exceptionnelle. Une vie sous-marine foisonnante côtoie ici des paysages terrestres tout aussi séduisants. Une atoll dont l’intérêt a été reconnu au niveau mondial par l’UNESCO qui lui a accordé l’appellation précieuse de « réserve de biosphère ».
À 450 kilomètres au nord-est de la mouvementée île de Tahiti, l’atoll de Fakarava, semblable à un mirage, est un havre de tranquillité bien réel, posé tel une feuille sur le grand océan Pacifique. Son lagon aux bleus indécents, parsemé de motu, des îlots coralliens, et balayé par l’alizé, rayonne de beauté. Ses plages de sable rose et blanc innombrables et désertiques laissent place au rêve éveillé. Deuxième atoll de l’archipel des Tuamotu par sa superficie (60 km de long sur 25 de large) après Rangiroa, Fakarava possède deux passes pour renouveler les eaux cristallines de son lagon. Au nord, Garuae, la plus large de toute la Polynésie française (1,6 km) laisse passer des cargos et bateaux de croisière qui peuvent caler jusqu’à 17 mètres de tirant d’eau, plus encore que la passe de Papeete, une aubaine pour le tourisme ! La passe sud a abrité autrefois le tout premier village de l’atoll, Tetamanu et on peut y découvrir l’église Maria o te Hau, l’une des plus anciennes de Polynésie française et la première des Tuamotu.
Se sentir l’âme d’un Robinson
Posé au sommet d’un cône volcanique sous-marin de 1 170 mètres à partir du plancher océanique, l’anneau de corail qui constitue l’atoll abrite une faune et une flore sous-marines surprenantes et représente un véritable sanctuaire. Dès 1977, une « réserve de biosphère » reconnue par l’UNESCO (Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture) fut instaurée sur le petit atoll voisin de Taiaro. Après des extensions successives au fil du temps, elle inclut maintenant Fakarava et 5 autres atolls proches : Aratika, Kauehi, Niau, Raraka et Toau. Tous ont leurs particularités : taille, forme, ouverture sur l’océan, population, activités exercées etc. Ce qui confère à l’ensemble de cette « réserve de biosphère » de Fakarava un caractère unique. Les hommes se sont ici engagés à promouvoir un développement durable des îles et d’activités telles que le tourisme et l’exploitation des ressources naturelles dont ils dépendent, comme la perliculture et la pêche.
Construite en pierre de corail, elle fut édifiée en 1874. Véritable paradis, Tumakohua, autre nom donné à cette passe sud, est un spot prisé des plongeurs. Ils viennent des quatre coins du monde pour y admirer la faune et la flore sous-marines d’une rare abondance ! Les coraux sont préservés et rivalisent de beauté. Les plongées, féeriques sont réputées à sensations car on y croise des centaines de requins. En Polynésie française, ceux ci sont des espèces strictement protégées. Ils sont les rois des passes mais n’ont que faire des plongeurs, ces drôles de poissons qui font des bulles ! Ils sont bien plus préoccupés par les loches marbrées (mérous) qui se rassemblent par milliers chaque année au mois de juin pour se reproduire dans un ballet d’innombrables individus qui recouvrent littéralement le récif sous-marin; un phénomène peu connu, mais souvent documenté par les chaînes de télévision, « nature et voyage » du monde entier.
Le village principal de Fakarava, Rotoava, situé au nord, regroupe la majeure partie de la population, soit environ 850 âmes. Il compte 3 petites boutiques qui vendent des produits de première nécessité, une poste, une mairie, une école primaire (le cursus scolaire se poursuit à Tahiti ou Rangiroa), des boutiques de perles, un dispensaire, quelques prestataires de services touristiques et trois snacks pour se restaurer. À Fakarava, pas de grand hôtel à ce jour, seulement des pensions de famille pour se loger. Ces petits établissements n’offrent certes pas tout le luxe et le confort des grands hôtels quatre étoiles mais ils permettent un contact direct et convivial avec la population. On y déguste une cuisine locale délicieuse (poisson cru ou grillé, fruits de mer etc.) ! On passe les nuits dans de charmants petits bungalows qui bordent le lagon et il est si reposant de se sentir l’âme d’un Robinson en s’endormant au son des vaguelettes qui viennent lécher le sable à quelques mètres.
Arrivée au paradis
À la recherche de quelques proies, trois fous virevoltent entre les crêtes d’écume. En mer, sous les tropiques, ces oiseaux sont le signe qu’une terre se rapproche. Justement, en voilà une qui apparaît timidement à l’horizon dans la bruine saline des vagues du récif. On y distingue, en ombre chinoise, les minuscules épis des cocotiers qui dansent dans l’alizé. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment une terre puisqu’il s’agit d’un atoll et son sol est plutôt composé de corail. Toujours appelés « goélettes » par les Polynésiens – sans doute nostalgique du temps de la marine à voile – les petits cargos qui font la tournée des atolls au départ de Papeete ravitaillent l’archipel des Tuamotu qui s’étire sur 1 500 kilomètres à l’est de Tahiti. Voilà cinq jours que le Mareva Nui a quitté l’agitation de la ville de Papeete chargé de fret. À l’approche du récif, on peut apercevoir entre les cocotiers, un vieux phare à l’allure de temple inca ! Construit en 1957 à l’initiative de Madame Degage-Taui, directrice de l’Équipement en ce temps là, le phare Topaga, avec ses 27 mètres de haut, avait une fonction bien particulière. Il n’était prévu de l’allumer qu’en cas de demande de secours, pour les évacuations sanitaires par exemple. On faisait un grand feu à son sommet dans le but d’être vu par les îles associées qui pouvaient alors envoyer du secours…
La coque blanche de la goélette se présente dans le chenal de la passe de Garuae pour entrer dans le lagon de l’atoll de Fakarava. Dans quelques minutes, le cargo accostera. Les marins déchargeront le fret et embarqueront les sacs en toile de jute remplis de la production locale de coprah. Le coprah ou « l’or des Tuamotu », c’est la récolte dans les cocoteraies de la pulpe de la noix de coco séchée, l’activité principale qui fait battre le cœur de l’atoll. Les habitants partent plusieurs jours au « secteur » – ce qui désigne les zones de l’atoll aux alentours du village principal – où ils remplissent les fameux sacs estampillés, « Huilerie de Tahiti ». Un travail de forçat sous le soleil brûlant des Tuamotu…
Belle rencontre, joli sourire
Autre lieux et autres scènes : à l’aéroport, l’agitation est aussi palpable. Un avion plein de touristes vient de se poser. Au sortir du petit bâtiment de l’aérodrome, on sent ce souffle doux et chaud qui nous enveloppe comme du coton pour nous souhaiter la bienvenue. Une sensation de bien-être qui ne quitte pas le visiteur. Certains disent même qu’un séjour au rythme des Tuamotu à un côté thérapeutique certain. Passage du cortège aéroportuaire des pensions de famille dans le village, c’est l’heure de pointe quotidienne à Fakarava ! Une dizaine de véhicules chargés de visiteurs passent obligatoirement devant la maison de Mahia. À Fakarava, les couleurs du lagon sont à couper le souffle et les gens savent parfaire ce décor de leur gentillesse et de leur ouverture aux visiteurs. Ils ne sont jamais avares quand il s’agit de conter l’histoire de leur île.
Tous les jours, Mahia Varas, 82 ans, regarde passer les gens et sourit à tout le monde. Elle est rarement seule, sa famille, ses amis, lui rendent visite quotidiennement. Sur son terrain, un grand badamier trône depuis sa naissance. Cet arbre a 350 ans ! Il est l’un des plus anciens et des plus grands de l’archipel des Tuamotu ! Mahia dit avec un sourire amusé : « Cet arbre m’a vue grandir, mais moi, jamais je n’ai eu l’impression qu’il a grandi ! » Aux Tuamotu peut être plus qu’ailleurs, les arbres parcourent le temps et font partie des vies insulaires ! Ici, pas assez d’artifice, de modernité pour venir perturber l’amour et l’intérêt que l’humain peut porter à la nature qui lui offre presque tout. Récemment, à côté de sa maison, Mahia a vu naitre un chantier naval traditionnel de construction d’une grande pirogue à voile paumotu, terme tahitien désignant ce qui est originaire de l’archipel des Tuamotu. Un projet communautaire ambitieux mais très réaliste. Dans sa jeunesse, Mahia a navigué à bord de pirogues à voile pour ramener le coprah du « secteur ». Elle était peperu – ce qui désigne en tahitien la personne barrant l’embarcation – et ses autres sœurs complétaient l’équipage : «c’était une affaire de femmes », sourit-elle. La dernière fois qu’elle a navigué à bord de ce genre d’embarcation, elle avait 17 ans…
Fakarava, réserve de biosphère reconnue par le patrimoine mondial de l’UNESCO.
Fakarava est un des sept atolls – en fait le principal en terme de superficie et de population – faisant partie de la réserve de biosphère qui porte son nom. Cette réserve qui fait la fierté de la population couvre une superficie totale (terrestre et maritime) de 2 682 Km2 et regroupe 1 500 habitants dont les 850 de Fakarava. Elle compte aussi les atolls voisins de Aratika, Kauehi, Niau, Raraka, Taiaro et Toau. Une vaste aire où sont conciliés protection de l’environnement et développement des activités humaines. Mais bien avant la création de cette réserve dans les temps pré-européens, les notions de biosphère et surtout de sa préservation étaient déjà une réalité, bien que pas décrites ni pensées en termes scientifiques modernes. L’homme avait conscience à l’époque que son environnement était fragile et sa préservation vitale car c’était le lagon qui offrait la nourriture. On procédait donc au rähui, terme se référant à une sorte de jachère qui permettait de laisser le temps aux espèces du lagon de se régénérer selon les zones. Le village n’était pas sédentaire et se déplaçait au rythme des différents rähui sur 4 secteurs différents.
Une fois que la population avait bien exploité un secteur, les sages estimaient qu’il était temps de retrouver des eaux plus abondantes. Ils bougeaient, laissant également derrière eux, côté sol, des plantations qu’ils venaient récolter quelques mois plus tard quand la boucle était bouclée. Le taro, tubercule alimentaire des régions tropicales est consommé dans toute la Polynésie française. À Fakarava, on le cultivait et il était très réputé car il grandissait dans des tarodières à l’eau saumâtre, ce qui lui donnait un petit goût de « pré salé » très apprécié des Polynésiens de l’époque. Aujourd’hui, on produit de l’huile de tämanu à Fakarava. Au nord, seul un jeune couple, Terai et Tepoe pratiquent cette activité. Le tämanu est un arbre qui produit des noix. Une fois décortiquées, on fait sécher ces noix que l’on presse ensuite pour en obtenir de l’huile aux vertus thérapeutiques. Cette huile est utilisée en médecine traditionnelle pour les massages, ou encore pour la cicatrisation des plaies. Ses propriétés sont reconnues et on l’appelle même « l’huile magique ».
Un peu d’histoire…
Le peuplement par l’homme de Fakarava, et plus largement des Tuamotu, remonterait à environ 1 000 ans. Ce peuplement a été rendu possible grâce à de grandes navigations à bord de pirogues doubles. Les populations provenaient, très certainement, d’Asie du sud-est. Elles conquirent au cours de notre ère, une à une et dans le sens ouest/est les îles du Pacifique Sud. Plus tard, l’atoll fut mentionné pour la première fois par un Européen, le 17 juillet 1820 : le navigateur russe Fabian Gottlieb von Bellingshausen, lui donna le nom de l’île Wittgenstein. Dans la première moitié du XIXe siècle, l’actuelle Polynésie française devient le théâtre d’une lutte d’influence entre d’une part les colonisateurs anglais et français et d’autre part les missionnaires catholiques et protestants. En septembre 1842, profitant à la fois de l’absence du consul de Grande-Bretagne à Tahiti, Georges Pritchard, et du peu d’intérêt de la couronne britannique pour ces petites et lointaines îles, l’amiral français Dupetit-Thouars réalisa un coup de force appuyé par ses navires de guerre, obtenant ainsi l’établissement d’un protectorat français sur Tahiti. Cette prise de pouvoir eut comme conséquences de vives tensions entre le Royaume d’Angleterre et la France. Pour atténuer la rage de Pritchard, un pasteur et missionnaire qui avait une sainte horreur du catholicisme, la France désigna un palmier endémique du nom du missionnaire protestant : Le pritchardier ! C’est en tout cas ce qui se raconte aux Tuamotu… Le protectorat français permit aux missionnaires catholiques, entre autres, d’étendre leur influence en totale liberté. Un missionnaire, le père Laval se rendit sur Fakarava dès 1849 et convertit la population au catholicisme.
Aujourd’hui, Fakarava compte 80 % de catholiques et 20 % de mormons, religion qui arriva 20 ans après l’implantation des catholiques. Ces deux cultes partagent le même cimetière. La première église de Rotoava sortit du corail en 1896 avant d’être remplacée en 1951 par la jolie église catholique actuelle au toit rouge et aux murs en chaux de corail blanc éclatant. Le temple mormon se situe quant à lui à l’entrée du village près du quai. Le tout premier village de l’atoll, Tetamanu, fut érigé au sud. En 1820, il comptait environ 375 habitants. À la fin du XIXe siècle, on se rendit compte qu’une autre partie de l’atoll était plus propice à l’installation du village car offrant une meilleure protection face aux intempéries. Il s’agit du secteur de Rotoava ou se situe le village actuel. Les bâtiments administratifs qui y siègent datent de cette période. Leur aspect relativement moderne et solide témoigne de l’importance de Fakarava qui était un important centre de commerce de la région car son lagon permettait à n’importe quel navire de venir y mouiller en toute sécurité. Désormais, ce sont les navires de plaisanciers « tourdumondistes », généralement en provenance des Marquises, qui mouillent devant le village.
À la nuit tombée, les feux de leurs mâts se confondent avec le ciel étoilé et il est bien agréable d’observer ce spectacle sous la pleine lune. Fakarava offre tout ce dont le visiteur espère au fond de lui avant d’en fouler le sol : la tranquillité, des paysages magnifiques, une population chaleureuse qui partage des activités et excursions dont on se souvient toute une vie, sujets de conversations passionnées entre voyageurs ! Loin de toute la tension de ce monde en ébullition, la forme harmonieuse de l’anneau corallien, délicieusement posé sur le Pacifique reflète bien la douceur insulaire de Fakarava qui ne laisse personne insensible. Le camaïeu de ses bleus profonds qui inspirèrent Matisse, entre autres, vous absorbera pour que jamais vous n’oubliiez cette expérience de vie à fleur d’eau entre ciel et mer.
Va'a Motu project
Le projet Va’a Motu vise à réintroduire des pirogues à voile traditionnelles sur les lagons des Tuamotu, à commencer par celui de Fakarava. Ces embarcations ont disparu voilà plus de 50 ans lorsque le moteur est arrivé dans les lagons polynésiens. Ce projet est né en 2011 à Fakarava d’une rencontre entre un Paumotu, Ato Lissant, et un breton, Julien Girardot. Avec Vaiete Bodin et Gahina Bordes, ils créèrent l’Association Va’a Motu afin de lever les fonds nécessaires. L’association souhaite construire des pirogues à voile, et surtout que ces bateaux soient utiles. Trois ans auront été nécessaires pour rassembler les financements, et la construction d’une première pirogue débuta le 15 avril 2015 au cœur du village de Rotoava faisant ainsi renaître une tradition maritime ! Les constructeurs suivront les plans de Nicolas Gruet, architecte naval à Papeete, qui a dessiné cette pirogue en s’inspirant du cahier des charges rédigé par un comité d’anciens qui sont les seuls à avoir connu, construit, navigué durant cette belle époque de la pirogue à voile. Deux jeunes hommes de l’atoll sont formés aux techniques de constructions modernes par Alexandre Genton, chef de chantier et constructeur réputé dans le milieu du va’a à voile (en tahitien : va’a ta’ie) et autres sports de glisse. Apporter une formation professionnelle à des jeunes locaux est un des programmes important du projet et apporte un aspect social local très fort. Le programme pédagogique a également débuté avec l’école de Rotoava. Chaque classe visite régulièrement le chantier, pose des questions et apprend l’histoire de la pirogue à voile en attendant de monter à bord avec des marins professionnels. Ceux-ci leur apprendront à manœuvrer l’embarcation d’ici quelques mois. La pirogue, véritable évolution de la pirogue traditionnelle paumotu, devrait toucher l’eau tout début juillet. Ensuite, une équipe scientifique originaire des 4 coins du monde viendra travailler avec cet outil original pour réaliser une cartographie en 3D de colonies de coraux et autres endroits sensibles du lagon comme par exemple les passes. Il s’agit d’une première mondiale : jamais un tel travail n’a encore été réalisé à l’aide d’une embarcation traditionnelle locale à voile ! Les touristes ne seront pas en reste ; ils auront l’opportunité de découvrir le lagon d’une manière peu commune : à la voile, grâce aux éléments, sans polluer, et avec une embarcation 100 % polynésienne ! Un des buts principaux du projet et de réussir à concilier tous ces programmes pour en faire un outil polyvalent en accord total avec les principes d’une réserve de biosphère ! L’association pense déjà à construire d’autres petites pirogues à voile afin de créer un centre nautique traditionnel polynésien ! Le projet Va’a Motu est aujourd’hui soutenu par 26 partenaires différents (financiers, techniques, institutionnels). Entre autres, le ministère de la Culture de Polynésie française et les Aires Marines Protégées de France via Explore, fonds de dotation créé par le célèbre navigateur, double vainqueur de la Route du Rhum, Roland Jourdain ! Vous pouvez visiter le chantier naval qui est situé au cœur du village, à une centaine de mètres du quai. En posant simplement la question, les habitants se feront un plaisir de vous indiquer son emplacement. Parlez-en aussi aux pensions de famille qui seront ravies de vous renseigner à ce sujet et également de vous y emmener !