Fondation Tara Expéditions : voyage au cœur du monde corallien

Le voilier Tara a accueilli les scientifiques de cette campagne de recherche Tara Pacific. © Francois Aurat - Fondation Tara ExpéditionsVue de la zone nord-ouest du lagon de Moorea © Pierre de Parscau - Fondation Tara ExpéditionsEn plongée, deux participants à l’expédition : Laetitia Hédouin et David Monmarché © Maggy Nugues -Fondation Tara ExpéditionsLaetitia Hédouin, chercheuse du Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (Criobe) © Yann Chavance - Fondation Tara ExpéditionsL’atoll de Faaite, une des six îles des Tuamotu où se sont déroulés les travaux scientifiques. © Francois Aurat - Fondation Tara ExpéditionsCorail dit « chou-fleur » © Lauric ThiaultPlongée dans les eaux de l’atoll de Rangiroa © Maggy Nugues - Criobe© Pete West - Fondation Tara ExpéditionsUne colonie corallienne © Fondation Tara ExpéditionsMise en place d’un « transect », pour y réaliser des comptages de la faune et de la flore sous-marine © C.Rives© Yann Chavance - Fondation Tara Expéditions© Yann Chavance - Fondation Tara Expéditions© DR© Yann Chavance - Fondation Tara Expéditions
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La Fondation Tara Expéditions organise des missions scientifiques pour étudier et comprendre l’impact des changements climatiques et de la crise écologique sur nos océans. Ces expéditions scientifiques sont menées en collaboration avec des laboratoires et institutions scientifiques de prestige. Depuis 2003, ce sont 10 expéditions qui ont été menées à travers le monde. La fondation agit aussi concrètement pour renforcer la conscience environnementale du grand public et des jeunes, notamment à travers plusieurs programmes éducatifs (http://oceans.taraexpeditions.org/m/education/). Enfin, la Fondation Tara Expéditions développe un plaidoyer afin de mobiliser la société et inciter les décideurs à avancer concrètement vers les solutions dont nous tous avons besoin pour la planète.

Tara Pacific

Depuis mai 2016, la goélette Tara est partie pour une nouvelle expédition intitulée « Tara Pacific 2016-2018, la biodiversité des récifs coralliens face au changement climatique ». Après avoir parcouru les pôles et tous les océans de la planète, le navire va sillonner l’océan Pacifique pendant plus de deux ans avec à son bord une équipe scientifique interdisciplinaire coordonnée par le CNRS (Centre national de la Recherche scientifique) et le Centre scientifique de Monaco (CSM). Leur objectif est d’examiner de manière inédite la biodiversité des récifs coralliens et leur évolution face au changement climatique et aux pressions anthropiques, c’est à dire dues à l’homme.

Des interactions qui interrogent les scientifiques

Dans les récifs coralliens, les coraux scléractinaires, appelés communément « coraux durs » constituent les fondations de l’écosystème, créant la structure en 3 dimensions, qui abrite des milliers d’espèces animales. Mais dans les récifs, on trouve aussi les algues corallines, ces algues rouges calcifiées et encroûtantes, qui représentent après les coraux durs le deuxième organisme bâtisseur du récif. « Ces algues forment une dalle calcaire qui agit comme un ciment, permettant de souder tous les éléments du récif entre eux », explique Laetitia Hédouin. « Mais l’importance des algues corallines va bien plus loin : certaines espèces semblent attirer les larves de coraux, favorisant leur recrutement ». Si les colonies adultes sont fixées à un substrat benthique c’est à dire au fond de l’eau, les jeunes stades de vie du corail passent par une phase bentho-pélagique c’est-à-dire une phase durant laquelle les larves de corail sont capables de se maintenir dans la colonne d’eau de quelques jours à plusieurs semaines, jusqu’au moment où elles trouvent le substrat approprié pour s’y installer et se métamorphoser.

Lagons, pentes externes des atolls et biodiversité

Pour la deuxième équipe de recherche, c’est la connexion entre le lagon et la pente externe qui intrigue. La forme typique d’un atoll polynésien, c’est un anneau de corail encerclant un lagon relié à l’océan par une passe. De nombreuses espèces de poissons profitent du lagon pour s’y développer, ils y entrent à l’état larvaire et en ressortent à l’âge adulte. On y trouve aussi beaucoup de nutriments, contrairement à l’environnement océanique extérieur. La question posée au cours de ce chapitre sur les atolls a été la suivante : existe-t-il un lien entre la présence d’un lagon et la richesse spécifique – ou la biomasse en poissons – des pentes externes du récif ? Comme le lagon est l’endroit le plus calme et le plus accessible, c’est également celui qui est le plus impacté par l’homme. Si l’activité humaine venait à être trop pesante sur la zone lagonaire, on peut se demander quel en serait l’effet sur les pentes externes. La Polynésie française apporte cette chance unique de pouvoir, dans un même territoire, étudier des atolls ouverts (forme classique), des atolls fermés (un lagon, mais pas de passe) et des atolls comblés (sans lagon).

Les atolls de Polynésie française : une multitude d’îles uniques

 Ces deux volets scientifiques de l’expédition Tara Pacific ont été réalisés courant octobre et il est encore trop tôt pour parler des résultats finaux. Cependant, les chercheurs sont capables de faire des premiers constats tout à fait intéressants sur nos atolls. Pour Laetitia, les premières observations ont permis d’apprécier la variabilité entre les différents atolls explorés. Bien qu’ils ne soient pas très éloignés les uns des autres, ces atolls possèdent des paysages sous-marins très variés en termes de recouvrement corallien et une abondance et une diversité d’algues corallines très différente pour chacun d’entre eux. Pour la première fois, une liste de 25 espèces d’algues corallines a pu être réalisée au cours de cette mission scientifique. De son côté, l’équipe de Valeriano a pu constater que les trois morphologies des atolls ne présentent pas de différences importantes en ce qui concerne la diversité des espèces ou la quantité de poissons présents. Par contre, des différences significatives apparaissent en ce qui concerne la composition en espèces. En général, les atolls sans lagon ont une biomasse plus faible en espèce de grande taille par rapport aux atolls avec un lagon, et surtout avec un lagon ouvert, comme Haraiki ou Motutunga. L’hypothèse de Valeriano est que la communication entre la pente externe et le lagon pourrait favoriser une chaîne alimentaire plus productive et par conséquent la présence de poissons de grande taille. Ces deux missions mettent en évidence l’identité propre à chaque atoll. Ces anneaux de sables et cocotiers, qui semblent tous se ressembler depuis le hublot de l’avion, nous montrent à travers ces études scientifiques, combien ils sont uniques.

Le caractère unique de cette expédition consiste d’abord en son approche dite transversale d’une zone géographique très étendue où se concentrent plus de 40 % des récifs coralliens de la planète. Une telle approche n’avait encore jamais été réalisée jusqu’à présent à une telle échelle. Selon Serge Planes, chercheur du CNRS et directeur scientifique de l’expédition : « Tara Pacific tentera de dévoiler la biodiversité d’un récif, à la fois génomique, génétique, virale ou bactérienne, pour la comparer à celle de la masse d’eau qui l’entoure. Le but est de se faire une idée réelle de la diversité globale d’une colonie corallienne. » Elle permettra également d’apporter de nouvelles connaissances sur le rôle encore inconnu joué par les paramètres biologiques, chimiques ou physiques dans la vie des colonies coralliennes et la capacité de ces dernières à s’adapter aux changements environnementaux. En octobre 2016, Tara a séjourné dans les eaux polynésiennes et réalisé deux missions scientifiques annexes au programme Tara Pacific. Un premier volet de la mission en Polynésie a été dirigé par Laetitia Hédouin (CNRS/CRIOBE) et a été consacré à l’interaction entre les algues corallines et le corail. Le second volet, mené par Valeriano Paraviccini (EPHE/CRIOBE), était dédié à l’impact du lagon sur la productivité en poissons des pentes externes des atolls.

Selon des études récentes, les larves de coraux ne se fixent pas n’importe où sur le substrat et privilégieraient certaines zones où les algues corallines sont présentes. « L’un des objectifs de l’expédition Tara Pacific dans les Tuamotu est d’étudier ces associations spécifiques entre algue coralline et corail : c’est la première fois qu’une telle étude est menée in situ en Polynésie française » rappelle Maggy Nugues (EPHE/CRIOBE), spécialiste des algues benthiques qui codirige cette mission. « L’idée est notamment d’étudier l’ensemble des micro-organismes associés aux algues corallines, et de façon plus générale de comprendre par quels mécanismes ces algues favoriseraient la fixation des larves de corail ».

Les protocoles d’études

L’équipe scientifique dirigée par Laetitia était composée de six scientifiques aux expertises complémentaires (des bactéries aux algues corallines, de la biologie moléculaire à l’écologie). Pendant 15 jours, ils ont exploré six îles de l’archipel des Tuamotu : Faaite, Tahanea, Katiu, Makemo, Marutea et Hikueru. Une première équipe de deux plongeurs devait évaluer l’abondance et la diversité des algues corallines en identifiant les espèces présentes sur un segment de 10 mètres de long. Une deuxième équipe de trois plongeurs prélevait les jeunes coraux (recrues coralliennes de moins de 2cm) dans une zone prédéfinie de 50 cm² et collectait cinq fragments des quatre espèces d’algues corallines les plus communes. Les échantillons collectés ont été identifiés à bord de Tara pour déterminer d’une part le genre corallien, d’autre part l’espèce d’algue coralline, et l’interaction a été notée : le corail était-il fixé sur l’algue coralline ou à proximité ? Certains échantillons ont aussi été stockés et envoyés ultérieurement au Genoscope (https://www.genoscope.cns.fr/spip/), laboratoire d’analyse partenaire de l’expédition Tara Pacific, afin d’identifier le microbiome, c’est-à-dire l’ensemble des micro-organismes vivant en association avec les algues corallines et les coraux. De son côté, la mission menée par Valeriano a rassemblé elle aussi 6 chercheurs qui ont échantillonné sept atolls aux trois morphologies : trois atolls comblés – Akiaki, Nukutavake et Tikei – trois atolls avec un lagon fermé – Vahitahi, Vairaatea, Hiti – et deux atolls ouverts – Haraiki et Motutunga. Chaque jour, les scientifiques ont réalisé 4 transects* de 50x5m à 10 mètres de profondeur sur la pente externe de chaque atoll. Ils devaient y identifier toutes les espèces de poissons rencontrées du fond jusqu’à la surface et les dénombrer.

* Un transect, « couloir » pour être plus précis, est une surface le plus souvent de 25 ou 50 m de long et de 2, 4 ou 5 m de large sur laquelle on compte toutes ou une partie des espèces de poissons, invertébrés marins, etc. Il existe aussi le transect « ligne » qui est quant à lui au substrat où l’on décrit alors tout ce qui se trouve sous la ligne (par exemple de 0 à 15 cm Acropora, de 15 à 50 cm Porites, etc.). Ce même transect ligne peut se transformer en transect « point » où au lieu de décrire de manière continue, on prend en compte un point tous les 50 cm ou 1m.

Cécile Berthe (Criobe), Laetitia Hédouin (Criobe), Valeriano Parravicini (Criobe) et Elodie Bernallin (Tara)

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