Appelée aussi « l’île mémoire », Huahine possède des vestiges archéologiques parmi les plus étendus et les mieux conservés de Polynésie française. L’intérieur de l’île, accessible par des routes traversières, se présente comme un vaste jardin tropical. Découverte.
Avec sa découpe en forme d’ailes de papillon, l’île double de Huahine est restée secrète et envoûtante. Encore à l’écart du circuit touristique classique Tahiti-Moorea-Bora Bora, elle offre pourtant au visiteur une palette incroyablement diversifiée de paysages. Elle abrite ainsi plusieurs baies, une lagune et de grands motu (ilots) coralliens où l’on cultive la pastèque et le melon. L’île est aussi très riche en vestiges d’habitations anciennes et en marae, ces anciens temples polynésiens. De grandes plages de sable blanc, des passes poissonneuses où il n’est pas rare de rencontrer des dauphins… complètent un tableau tropical enchanteur qui la rend chère au cœur des Polynésiens. Enchâssée dans un grand lagon unique, c’est une île haute, avec plusieurs sommets montagneux dont le plus élevé, le mont Turi, culmine à 669 mètres.
Un écrin de verdure au milieu de l’océan
Huahine s’étend sur 12 km de long et 17 km de large. Sa population actuelle, d’environ 6 500 habitants, est essentiellement rurale, composée de pêcheurs et d’agriculteurs. Les îlots qui longent la côte nord, particulièrement, permettent des modes de culture originaux depuis une quarantaine d’années : melons, pastèques et autres poivrons y sont ainsi cultivés avec succès. Mais pour cela il faut apporter de la terre volcanique de l’île haute voisine pour remplir un réseau de trous aménagés dans le matériau corallien où la nappe d’eau douce, proche, permet l’irrigation. La production est surtout destinée au marché de Papeete. Sans oublier la vanille, les grandes spécialités de l’île sont les taro, les bananes, les ignames et certaines variétés de fruits exotiques qui ont su s’acclimater au climat et aux sols.
Les habitants de l’île ont su également tirer parti, de longue date, des ressources marines, comme en attestent d’antiques pièges à poisson. La pêche reste une activité familiale très appréciée, certains sites comme la baie de Maroe – entre les deux îles – étant très poissonneux. Les cigales de mer, les langoustes, les varo (squilles) et une variété de petits coquillages sont très prisés de la population. Pour être très rurale, l’île n’en accueille pas moins des unités d’hébergement touristiques : trois hôtels et au moins une vingtaine de pensions de famille qui offrent un accueil chez l’habitant tout à fait apprécié des visiteurs qui aiment passer un séjour d’immersion au sein d’une population qui a le sens de l’hospitalité. Par ailleurs des prestataires de services offrent de nombreuses possibilités de pratiquer des loisirs nautiques. Des navires de croisière y débarquent aussi régulièrement leurs passagers pour une visite de l’île.
Pourtant, on peut cependant s’y déplacer facilement grâce à des routes traversières qui permettent d’accéder à de magnifiques panoramas situés en altitude. Par temps clair, on peut même apercevoir à l’horizon Raiatea, Tahaa et Bora Bora qui, avec elle, composent les Îles sous-le-Vent – elles-mêmes faisant partie de l’archipel de la Société. Située à 175 km de Tahiti, soit une demi-heure d’avion, Huahine est en fait composée de deux blocs insulaires séparés par un étroit canal maritime entre deux baies : Huahine Nui (« grande Huahine ») et Huahine Iti (« petite Huahine »). Depuis les années 1960, celui-ci est enjambé par un pont qui permet la jonction entre les deux terres.
“L’île femme”
Anciennement appelée Tematatoerau, puis Matairea, Huahine est aussi dite « l’île de la femme », car elle fut gouvernée par des reines, mais aussi en référence à la forme particulière et pourfendue de la topologie, visible depuis la petite localité de Fare, son chef-lieu. Depuis le port, on peut en effet avoir l’impression que la montagne ressemble au visage et au corps couché d’une femme enceinte. “HuaHine” peut d’ailleurs aussi se traduire par “sexe de femme”. Les paysages de l’île, recouverts d’une végétation tropicale abondante, lui donnent aussi un caractère féminin qui fait tout son charme. Restée à l’abri du tourisme moderne, elle manifeste une douceur de vivre certaine, loin de l’agitation du grand Papeete.
Huahine aux temps anciens
Dans les temps anciens, Huahine était partagée entre huit chefferies, réparties autour de l’île. Il semble que cette île, au départ déserte, a été peuplée pour la première fois par des humains entre le 5e et le 9e siècle de notre ère. Les datations au carbone 14 réalisées par les archéologues ont permis en tout cas de confirmer son occupation par une société très structurée aux XIIe et XIIIe siècles, ainsi qu’en atteste la présence encore visible de marae. Vers 1650, Maeva devint la principale chefferie politique de l’île. Plusieurs dynasties se sont succédé depuis le XVIIe siècle, le capitaine Cook rencontrant en 1769 la représentante de l’une d’elles, la reine Teha’apapa. Au XIXe siècle, se dessina un mouvement d’unification de chefferies souvent rivales. Cette période fut riche en rebondissements politiques. Un article du New York Times daté du 16 octobre 1868 relate ainsi la déposition du roi Ari’imate en juin 1868. Celui-ci avait lui-même organisé au début des années 1850 une révolte destinée à renverser la reine Teriitaria qui le précédait.
L’annexion à la France ne se fit pas non plus sans difficulté et Fare fut même bombardé en 1846 par un navire de la flotte française, L’Uranie. En 1890 – dix ans après Tahiti – de même que les anciens royaumes de Raiatea et de Bora-Bora, ainsi que leurs dépendances respectives, Huahine sera intégrée à un établissement distinct sous la haute autorité du gouverneur des Établissements Français de l’Océanie (E.F.O.). Elle n’a été annexée par la France qu’en 1895 et rattachée aux Établissements français de l’Océanie (EFO) qu’en 1897. S’en suivra la mise en place d’un système juridique propre (Code de l’indigénat) qui restera en vigueur jusqu’en 1946, année de la proclamation de la citoyenneté française à l’ensemble des sujets des colonies françaises. Avec ses quelque 6 500 habitants, Huahine est de nos jours intégrée à la collectivité d’outre-mer dite Polynésie française.
De nombreux vestiges archéologiques
Appelée aussi l’île mémoire, Huahine possède des vestiges archéologiques parmi les plus étendus et les mieux conservés de Polynésie française. Elle offre ainsi des centres d’intérêt touristique et culturel certains. De nombreux marae y ont été restaurés et constituent en Polynésie française l’une des plus belles concentrations d’anciens sites religieux, d’avant la christianisation, notamment celui de Maeva, au bord d’une lagune où sont encore installés d’antiques pièges à poisson. À l’entrée de ce site sont installés plusieurs panneaux donnant des explications concernant ces espaces en plein air : des espaces réservés aux activités cérémonielles, sociales et religieuses. Certains d’entre eux forment des monuments de taille imposante.
Ces lieux de culte des ancêtres et des divinités étaient dédiés à la rencontre entre les hommes et les puissances de l’au-delà. Les marae, au cœur de réseaux concurrents, étaient l’expression de la solidarité des groupes humains affiliés à l’un d’eux. Mais aussi entre eux et la terre. Aux marae familiaux étaient rattachés les noms héréditaires des familles. Ils étaient ainsi un moyen de prouver les titres de propriété des terres, réparties collectivement selon des structures hiérarchiques cependant très strictes. Cette union harmonieuse de la nature et de la culture, au sein d’un paysage encore habité par les mythes et les légendes ancestraux, en fait une destination touristique exceptionnelle.
Visites
Le fare pôte’e de Maeva
Ouvert depuis avril 2013 aux touristes après travaux de restauration, le fare pôte’e situé sur le site archéologique de Maeva, au bord du du lac Fauna Nui, est une construction typique de l’habitat traditionnel polynésien. Il est construit entièrement en matières végétales, bois et bambou. Il se distingue par ses côtés arrondis d’autres types de constructions traditionnelles, aux formes rectangulaires, appelées fare hau pape. Autrefois, les dimensions de ce genre de bâtiment collectif était proportionnelles à l’importance sociale de ses habitants. À Huahine, tous les types traditionnels d’habitation, dont les fare pôte’e, ont été mis à jour à Maeva. L’un d’eux, un grand bâtiment sur pilotis, a été répertorié en 1925 par l’archéologue américain, Kenneth Emory. Il était situé à côté du temple protestant actuel du village.
Utilisé comme maison de réunion, il était périodiquement reconstruit par les habitants depuis des générations. S’étant finalement complètement délabré, il a été reconstruit en 1972, quelques centaines de mètres plus loin, à son emplacement actuel, sous l’impulsion de l’archéologue Yosihiko Sinoto. Il s’est alors mué au fil des ans en un espace d’avantage consacré aux activités culturelles ainsi qu’à la vie sociale villageoise proprement dite. Placé entre plusieurs marae restaurés, au bord de la lagune, il a été durement touché par plusieurs tempêtes et fut reconstruit plusieurs fois entre 1996 et nos jours. Aujourd’hui, sous l’impulsion de l’association’Opu Nui, une exposition permanente abrite des objets anciens et de nombreuses panneaux explicatifs (photos, reproductions de gravures, etc.) dédiés à la vie et à l’architecture traditionnelles de l’île.
Sur les traces d’un ancien village traditionnel
Dans les années 1970, à l’occasion de la construction de l’hôtel Bali Hai – à quelques centaines de mètres de Fare – ont été entreprises des fouilles archéologiques. Des objets rares en bois ont été découverts lors des travaux entrepris pour créer des étangs ornementaux. Des fouilles ultérieures ont permis d’en savoir plus sur une période qui s’étend de la colonisation première, par les Polynésiens, jusqu’au contact européen au XVIIIe siècle. La vie quotidienne de l’ancien village installé sur le site était essentiellement orientée autour de la pêche et des activités agricoles. De nos jours, un nouvel hôtel y a été installé, l’hôtel Lapita, dont l’architecture des bungalows reprend la forme originale des fare va’a, où étaient abrités autrefois les grandes pirogues à double coque qui servaient aux voyages en mer de ces habitants originels. Une salle est consacrée à l’exposition d’objets anciens, de gravures et d’ouvrages originaux, certains datant du XVIIIe et XIXe siècles.
Fare, chef-lieu de l’île : une bourgade tranquille
La principale agglomération de Huahine, sur la côte Nord-Ouest, est la petite localité de Fare, de son nom d’origine Fare-nui-âtea (la grande maison espacée). Située sur Huahine Nui, elle dispose d’un quai en eau profonde, dans la petite baie d’Avamoa, où les goélettes débarquent les marchandises en provenance de Papeete. Le chef-lieu de l’île s’étend en façade le long du front de mer. Différents commerces trônent le long d’une rue unique et ombragée d’arbres sur laquelle la circulation automobile se fait au pas. Piétons et cyclistes y déambulent nonchalamment. Mais le marché – dans la journée, et des roulottes – le soir venu, apportent une animation permanente. Objet d’activité touristique supplémentaire, les gros paquebots de croisière qui viennent mouiller régulièrement à l’entrée de la baie Haavai, visibles au loin. Le port de Fare était jusque dans les années 1930 le rendez-vous des baleiniers qui remontaient vers le nord et de la navigation inter-îles. Il est en effet réputé pour être un bon abri. Par forte houle du secteur Ouest, de gros rouleaux se forment sur les côtes à l’extérieur de la passe (de novembre à mars), ce qui en fait un spot réputé pour les surfeur.
Huahine, île agricole
L’économie de Huahine est principalement orientée vers l’agriculture et la pêche. De vieilles traditions horticoles y sont connues de longue date, et l’on trouve de nombreuses tarodières, les Polynésiens appréciant toujours les tubercules qui composaient autrefois l’essentiel de leurs menus. Des concours sont souvent organisés pour mettre en valeur les plus belles de ces racines : taro, tarua, manioc, igname, patate douce… Sur les motu de l’île, elles ont été adaptées pour la culture de pastèques et de melons dont l’île est l’une des principales productrices, en direction de Tahiti. On y trouve aussi des vanilleraies. Enfin, dans le district de Fitii, au centre de l’île, se trouve un jardin botanique où ont été plantées une centaine de variétés fruitières tropicales et des plantes utiles : Eden Parc. Un sentier, qui y prend son départ, mène à un magnifique panorama qui donne sur trois baies de l’île.