Présentes dans le monde entier, des œuvres d’arts polynésiennes font découvrir notre culture et lui permettent de rayonner bien au-delà de nos îles. Nous vous proposons de découvrir le Musée Te Papa Tongarewa à Wellington, capitale de la Nouvelle-Zélande. Cette institution détient une des plus riches collections mondiales d’objets polynésiens.
En 1865, le Parlement néo-zélandais s’installa à Wellington. Peu après, le minuscule musée colonial (prédécesseur du musée Te Papa), situé juste derrière le Parlement, ouvrît ses portes. Ce musée exposait principalement des collections scientifiques comprenant peintures, gravures, «curiosités» ethnographiques et autres antiquités. En 1907, étant donné l’élargissement de ses centres d’intérêt au niveau national, le Musée Colonial fut renommé le Musée du Dominion. Le Science and Art Act of 1913 posa les fondations d’une future galerie d’art nationale située dans le même bâtiment. En 1930, cette idée devint une réalité. En 1936, un nouveau bâtiment réunit le Musée du Dominion et la nouvelle Galerie Nationale. En 1972, le Musée du Dominion fut simplement rebaptisé le Musée National. Dans les années 1980, ce bâtiment était tellement bondé qu’il semblait prêt à exploser. Malheureusement, ce musée pourtant très apprécié ne représentait plus les diverses communautés et toute la diversité du pays.
En 1988, le gouvernement chercha des idées pour créer un nouveau musée national. Le Museum of New Zealand’s Te Papa Tongarewa Act of 1992 mit l’accent sur les collections, facilitant ainsi l’accès à un public beaucoup plus vaste et bien plus représentatif de la société multiculturelle néo-zélandaise. En 1994, la construction de ce nouveau musée débuta. Le 14 février 1998, le Te Papa ouvrait ses portes, abritant désormais la collection d’art nationale. Les principales acquisitions d’objets du Pacifique provinrent d’Angleterre. En 1912, contre toute attente, Lord St Oswald offrit sa collection familiale au Musée du Dominion de Nouvelle-Zélande. Beaucoup de ces artefacts avaient été recueillis lors des trois voyages du capitaine Cook dans le Pacifique. Parmi les dons se trouvait le ’ahu là’ (la cape) et le mahiole (le casque) présentés à Cook par le chef hawaïen Kalani’opu’u le 26 janvier 1779. À noter qu’en 2016, le musée Te Papa confia cette cape et ce casque au Bishop Museum de Hawaï dans le cadre d’un prêt à long terme.
Les objets de cette collection avaient été acquis par William Bullock, un collectionneur anglais. Certains d’entre eux provenaient directement de Joseph Banks, jeune botaniste anglais fortuné qui accompagna Cook lors de son premier voyage dans le Pacifique. D’autres furent obtenus dans des collections privées ou encore lors de la vente de la collection du Musée Leverian de Londres en 1806. Bullock ouvrit son propre musée à Londres, exposant ces objets jusqu’à la vente de son entière collection en 1819. En 1948, le gouvernement néo-zélandais acheta 3 100 œuvres d’art maori et du Pacifique dans la collection du célèbre marchand d’art tribal londonien, W.O. Oldman, pour une somme de 44 000 livres sterling. L’intention était de faire de la Nouvelle-Zélande la capitale de l’étude des objets maori et polynésiens. En arrivant en Nouvelle-Zélande, la collection fut divisée entre les quatre grands musées métropolitains sous la forme de prêts à durée indéterminée, tandis que de petites pièces furent confiées également à de plus petits musées publics dotés de bâtiments équipés contres les risques d’incendie.
Le Musée du Dominion reçut l’essentiel de la collection des îles Maori, des îles Marquises, des îles Calédoniennes et des îles de l’Amirauté (archipel Bismarck, au nord de la Nouvelle-Guinée), ainsi qu’un petit nombre d’articles provenant d’autres archipels. Puisque ces articles étaient passés par maintes salles de vente en Grande-Bretagne, ils manquaient souvent d’informations détaillées quant à leur origine ou leur contexte historique, mais leur qualité était exceptionnelle. En 1955, l’Institut impérial de Londres (créé en 1887) donna au Musée une importante collection d’objets associés aux voyages du capitaine James Cook. Ces objets étaient autrefois en possession de la reine Victoria et avaient été donnés à l’Institut par Edouard VII. Cook lui-même les aurait peut-être confiés à George III après son deuxième voyage. Deux petits objets ont pu être retrouvés chez Mme Cook.
Laurance Alexander Rudzinoff
Remerciements : Sean Mallon, conservateur en chef des collections Pacifique au Musée National de Nouvelle Zélande
Aumakua hulu manu
Sans aucun doute, un des objets les plus précieux du Pacifique détenus par le Te Papa. Ce Aumakua hulu manu hawaïen représente la tête effrayante du dieu de la guerre hawaïen Kuka’ilimoku (Ku, le voleur d’îles). Les Aumakua hulu manu de Ku étaient emportés sur le champ de bataille pour inspirer les guerriers. Quand ils n’étaient pas utilisés pour la guerre, ils résidaient dans une maison dédiée aux dieux au sein du heiau (le temple). Le Aumakua hulu manu était réalisé en attachant des plumes à un filet réalisé en fibres végétales d’olona, une plante hawaïenne (Touchardia latifolia, nom scientifique). La structure de l’objet était réalisée en tiges végétales – comme celles de l’osier – issues de la plante appelée ’ie ’ie (Freycinetia arborea).Ce Aumakua hulu manu fut vendu aux enchères du Musée Bullock en 1819. Il était décrit dans le catalogue comme « une belle idole de plumes des îles Sandwich » – le nom d’îles Sandwich étant celui donné par Cook aux îles hawaïennes. Le Aumakua hulu manu fut acheté par M. Charles Winn pour deux livres et deux shillings. Il acheta aussi un certain nombre d’autres articles, notamment la cape de plumes et le casque hawaïen. Son petit-fils, Lord St Oswald, fit don de la collection au Musée du Dominion en 1912. Ce cadeau comprenait le Aumakua hulu manu de Ku.
Chapeau, vers 1800, Hawaï
Fibres et tiges végétales, plumes, hauteur d’environ 15 cm, don de Lord St. Oswald, 1912.
Les plumes sont attachées à un filet de fibres d’olana liées à la structure du chapeau. Les archives indiquent qu’il faisait partie d’une collection achetée par Charles Winn, grand-père de Lord St Oswald, lors de la vente du Musée Bullock à Londres en 1919. Elle se trouvait au Musée Bullock en 1805, indiquant qu’elle avait probablement été recueillie dans le Pacifique à la fin des années 1700. M. Winn paya deux livres et quatre shillings pour cet article (lot 28).
Taumi (plastron), îles de la Société, 1700
Plumes, fibres, dents de requins et poils de chiens , 660 mm (longueur) x 670 (largeur / profondeur) . Don de Lord St. Oswald, 1912
Ces plastrons étaient portés par les chefs de tribus et leurs principaux lieutenants à Tahiti, dans les îles de la Société. Ce taumi a été recueilli lors d’un des trois voyages de James Cook dans le Pacifique au XVIIIe siècle. Charles Winn l’a acheté pour une livre et deux shillings lors de la vente du Musée Bullock en 1819. Cette pièce faisait partie de la collection donnée au Musée du Dominion de Nouvelle-Zélande (rebaptisé le musée Te Papa) par le petit-fils de Winn, Lord St. Oswald, en 1912.
Divinité féminine, îles Cook, vers 1800
Objet religieux, sculpté en bois, 345 mm x 35 mm.
En 1948, le gouvernement néo-zélandais acheta cette sculpture de la collection de W.O. Oldman. Cette miniature en bois sculpté est un chef-d’œuvre polynésien. Comme elle est reliée à un manche effilé, aplati et perforé à sa base, elle pourrait très bien être le manche d’un chasse-mouche sacré. Les archives indiquent que cette sculpture fut apportée en Angleterre en 1825 par George Bennett, un employé de la London Missionary Society établie dans les îles de la Société. Dans les années 1820, de nombreuses « idoles » des îles Cook tombèrent entre les mains des missionnaires. Un certain nombre d’entre elles ont été dessinées et décrites par le missionnaire William Ellis en 1829 et ont été ensuite achetées par des collectionneurs. Le collectionneur et marchand londonien W.O. Oldman a indiqué que celle-ci provient des îles Hervey (ancien nom d’une partie du sud des îles Cook), bien que certains chercheurs l’aient attribuée aux îles de la Société pour des raisons de style. Les registres précisent qu’elle était autrefois dans la collection du duc de Leeds.
Laurance Alexander Rudzinoff
Ambassadeur d’Air Tahiti Nui, il parcourt le monde à la recherche d’antiquités polynésiennes et de leur histoire.