A Bora Bora, le pandanus fait non seulement partie du patrimoine mais il constitue aussi une économie. La confection du rauoro, la couverture de toits en pandanus, est après le tourisme l’une des principales activités de l’île.
Un samedi comme un autre, sur un chemin du bord de mer, des enfants ramassent des feuilles de pandanus. Ils iront ensuite les tremper dans l’eau salée et translucide du lagon. « Le pandanus aime le sel, explique le maire de l’île, Gaston Tong Sang, qui semble bien connaître le sujet, l’eau de mer assouplit les feuilles et les protège des insectes ». Après un bain de mer de 24h à 48h, les feuilles sont sorties de l’eau avant d’être enroulées autour d’un bois rond afin de les aplanir. Installées ensuite sur un bâtonnet, elles sont étalées durant deux à trois jours sur le sable blanc de l’une des plages des motu de l’île ; puis, une fois séchées, elles sont assemblées par rame grâce à une tige de bambou pour en faire des panneaux. « Nous privilégions les productions sur les motu car le temps y est plus sec que sur la grande île, et le pandanus n’aime pas l’humidité, souligne le maire qui possède deux bungalows avec des toitures en pandanus, De plus, un séchage sur du sable blanc rend le pandanus plus jolie ». Une condition qui n’est pas sans importance puisque, après décision du tavana, (le maire en tahitien) tous les hôtels de l’île sont désormais obligés de recouvrir leurs bungalows de rauoro, terme désignant en reo tahiti le pandanus préparé pour couvrir les toitures. Au milieu des années 2000, avec l’arrivée du Palmex, imitation du rauoro en matière synthétique, il semblait important aux yeux du maire de préserver le savoir-faire de cette pratique ancestrale.
Une économie indispensable
Les Polynésiens ont longtemps vécu dans des habitations, dont le toit est fabriqué à partir de feuilles de cocotier (niau) ou de pandanus. Adaptées à leur environnement, ces habitations résistaient aussi bien à la chaleur qu’au cyclone ; le toit en pandanus – à la longévité plus grande que celui en feuilles de cocotier – limitait les dégâts en cas de gros vent et préservait la fraîcheur lors de forte chaleur. « Nous n’avons peut être pas inventé la climatisation mais nous avons su créer des maisons en harmonie avec notre environnement », s’amuse Gaston Tong Sang, ravi de constater que ce style d’habitation, repris par les hôtels de l’île, plaise toujours autant aux touristes. « Finalement, grâce à eux, notre savoir-faire a pu être préservé». Au-delà de l’art de confectionner des panneaux de feuilles, la pose de ces derniers sur les fare, les maisons, requiert une certaine technicité. Des ouvriers spécialisés sont engagés pour cela, même si aujourd’hui la méthode a été simplifiée. Désormais, le panneau de feuilles de pandanus n’est plus attaché avec une corde au toit mais il est cloué. En l’abimant de la sorte, la feuille a une durée de vie moins longue. Mais, cela n’ébranle pas pour autant l’activité du pandanus sur l’île.
Après le tourisme, le pandanus est, en effet, l’économie la plus importante à Bora Bora. Depuis des décennies, il fait vivre une centaine de familles ; car dans cette activité, en plus des collecteurs, il y a les grossistes, les négociants puis les poseurs. Toute une chaîne qui permet la vente de rauoro aux hôtels et particuliers de l’île ou d’ailleurs. La « perle du Pacifique » comme on la surnomme, a donc su exploiter sa richesse naturelle. L’île héberge 80 % des hectares de culture consacrés au pandanus dans l’archipel des Îles-sous-le-Vent ; sur les onze hectares recensés au total, elle en compte huit. Finalement, au-delà de l’effort physique, l’une des principales difficultés de l’activité reste son aspect cyclique. Les rauoro d’aujourd’hui durent environ sept ans, les périodes de travail peuvent donc être inégales. Mais, les acteurs de l’activité ont fini par trouver une solution avec la municipalité en établissant un calendrier afin d’étaler les périodes de construction et d’aménagement. Une solution qui, pour l’heure, porte ses fruits.
Suliane Favennec