Michel Bourez nous livre son parcours, sa motivation, sa joie d’avoir grandi sur l’île de Tahiti, d’y avoir appris à aimer l’océan et les vagues. Aujourd’hui il en a fait son métier : Celui de surfeur professionnel.
Depuis 5 ans le surfeur tahitien Michel Bourez représente avec fougue Tahiti et plus généralement le surf francophone sur le circuit mondial, aux côtés de Jeremy Florès le réunionnais. Il n’a pas encore remporté d’épreuve mais il fait partie du Top 10 des meilleurs surfeurs de ce championnat du monde de surf organisé par l’Association du Surf Professionnel, l’ASP. De mars à décembre et sur 10 compétitions, les 34 meilleurs surfeurs du monde s’affrontent dans différents spots autour du globe. Michel termine 6ème au classement général en 2011, puis 15ème en 2012, l’année qu’il a qualifié lui même de « charnière », année pendant laquelle il devient père du petit Kaoriki. En 2013 il est à fond pour réussir du mieux possible sa mission, son but est de faire les meilleurs résultats possibles, comme l’excellente 3ème place en Australie dans la première épreuve du tour pro au mois de mars.
A l’image de la puissance des vagues de récif polynésiennes, Michel montre une radicalité impressionnante dans ses manœuvres et il a la réputation d’être un des surfeurs les plus puissants sur le tour. Michel a un style de surf solide, rapide, flamboyant, avec beaucoup d’engagement et de prise de risque. Michel est également un surfeur très apprécié sur le tour pour sa gentillesse et son accessibilité. Né en 1985 à Rurutu dans l’archipel des Australes de père français et de mère polynésienne, il est aussi à 27 ans un bon ambassadeur des qualités humaines des habitants de la Polynésie française.
« J’ai grandi à Mataeia devant une passe, dès qu’il y avait de grosses conditions cela générait assez de houle pour rentrer et casser sur la plage où j’ai grandi, cela générait des vagues et c’est comme cela que j’ai commencé avec les copains du quartier. Aller se baigner, voir les grands aller surfer cela m’a donné envie de commencer. J’ai commencé vers 7-8 ans avec le boogie juste comme ça pour m’amuser. »
« Ce spot ne marche pas souvent alors quand tu es mordu de ce sport là, tu commences à bouger. Avec mon grand frère on demandait à notre mère de nous amener à Papara au ‘beach break’ juste pour surfer près de l’embouchure puis de plus en plus loin, pour progresser et prendre les vagues que tout le monde surfe. J’avais dix ans. »
« Le boogie c’était bien mais je voyais que les gens avaient plus de sensations dans le surf et c’est comme ça que j’ai voulu commencer à faire du surf, en demandant à gauche et à droite des planches, pour savoir si je pouvais essayer, j’ai débuté comme ça. »
« Ma première vague de récif c’est chez moi à Mataiea que je l’ai prise. On allait en face avec Teva Zavéroni, avec qui j’ai grandi, et son petit frère Heimoana. Teva a créé le Rautirare Surf Club dont on était les premiers adhérents, c’est avec lui qu’on a commencé à aller surfer au large, vers 12 ans. »
« On allait surfer à la passe de Rautirare, d’autres spots à Mataeia, vers Toahotu à la presqu’île… Parfois il y avait de bonnes vagues à la petite passe de Vairao ou à la grande passe…J’ai surfé à Teahupo’o la première fois vers 14 ans, ce n’était bien sûr pas gros, mais assez pour moi pour aller à l’eau. »
« J’ai connu ainsi un peu le surf pro car on restait à la pension Bonjouir. Comme ce sont des amis de mes parents, on allait là bas, on restait quelques semaines, on voyait les pro surfeurs débarquer quand il y avait de bonnes houles. En les voyant surfer tu commences à appréhender différemment l’approche de vagues de récif, différentes de celles du ‘beach break’ (vague de plage). C’est surtout là que tu te dis qu’il y a vraiment un futur dans le surf. Il arrivent avec des planches toutes blanches et assez de moyens pour voyager et connaître des vagues un peu partout dans le monde. »
« Teahupo’o était déjà connue mondialement quand j’étais petit, c’était LA vague qui faisait peur, on avait pas assez de planches, sur le récif tu casses la seule planche que tu as et tu ne peux plus surfer pendant des mois. Donc nous on évitait ces vagues là car on tenait à nos planches ! On n’avait pas de moyens. C’est une vague effrayante, quand tu es jeune il faut déjà avoir un certain niveau pour la gérer. »
« Je jouais aussi beaucoup au football, c’était ma passion première. J’ai arrêté parce que j’avais une préférence pour le surf, c’est vers 15 ans que je me suis consacré à bloc au surf. Je faisais aussi de la rame, mais je ne pouvais pas tout faire, tous les mercredi je voulais passer du temps dans l’eau alors j’ai lâché tous les autres sports pour me focaliser sur le surf. »
« Je n’aimais pas l’école, c’était pas mon truc. Je pouvais réussir mais c’est juste que je ne pensais qu’à aller surfer et en terminale j’avais un deal avec mon père : Si j’avais mon bac j’aurais fait ensuite ce que je voulais. Mon copain Alain Riou a été deux fois champion d’Europe junior, si lui avait réussi pourquoi pas moi. Mon idée c’était donc d’avoir mon bac et de tenter ensuite ma chance dans le surf. »
« Mes parents m’ont toujours soutenu pour les décisions difficiles. Laisser leur enfant partir tout seul loin pour faire ce qu’il aime, c’était un choix difficile, ils savaient que j’étais heureux et que j’étais assez débrouillard. J’essaie toujours de m’en sortir peu importe les conditions. J’avais déjà passé du temps en Australie avec un copain, j’ai fait les pro juniors là bas. Ensuite j’ai passé trois mois en Europe, ma carrière professionnelle a commencé comme ça, à l’âge de 17 ans. »
« J’ai été élevé comme tous les enfants d’ici, la famille avant tout, le respect d’autrui, le respect de ton île, je n’avais que ça en tête. Etre quelqu’un qui va réussir ce qu’il entreprend. »
« Très tôt j’avais mes objectifs, je me suis dit ‘il va falloir mettre le paquet’ car il n’y avait pas d’exemple à part Poto (Vetea David) qui avait réussi mais quand j’ai commencé lui il avait déjà fini. Je me suis dis que j’allais apprendre sur le tas et c’est ce qui s’est passé. »
« Les vacances de décembre ont fait du bien, juste histoire de se ressourcer, de se poser les bonnes questions parce que c’est quand même dur de partir et de laisser son enfant et sa femme ici tout seuls alors que tu es censé être le père de famille censé s’occuper d’eux. C’est un choix que beaucoup de surfeurs ont fait j’ai beaucoup parlé avec des gens sur le tour aussi, c’est comme ça, c’est notre gagne-pain. Pour pouvoir payer les couches de mon fils il faut donc que je fasse la part des choses, maintenant c’est devenu beaucoup plus important. Quand je pars pour une compétition je suis encore plus focus qu’avant. »
« Ma femme Vaimiti est ma première fan, si elle n’était pas là, je ne sais pas si je serai arrivé là où je suis maintenant. C’est surtout grâce à elle, elle a toujours été là surtout dans les moments difficiles comme dans les moments de réussite mais c’est dans les moments difficiles que tu as besoin des gens proches et elle a toujours été présente donc pour moi c’est vraiment quelqu’un d’exceptionnel. Elle a beaucoup fait pour moi et je la remercie à 100 %. »
« Nat Young, un surfeur pro, me disait -le surf de compétition ce n’est pas une course de rapidité, c’est un marathon. Il faut être endurant du mois de mars au mois de décembre, il ne faut pas être pressé, c’est important de prendre son temps et de profiter de chaque moment. »
« Je peux partir un an ou deux ans de Tahiti mais je sais d’ou je viens. Je n’oublierai jamais d’ou je viens et les gens qui m’ont aidé jusqu’à présent. J’ai ma culture, ma façon de penser, j’ai cette chance de voyager et de voir ce qui se passe ailleurs et surtout changer ma mentalité parce que c’est vrai aussi que le fait de voyager ouvre aux cultures étrangères. »