Tattoo : un artiste polynésien à Los Angeles

Installé et travaillant à Los Angeles, Manu Farrarons rencontre un grand succès © JustC/Tropical StudioUn tatouage de Manu Farrarons © JustC/Tropical StudioDans le shop de tatouage où oeuvre Manu Farrarons © JustC/Tropical Studio Los Angeles, aussi une cité d'art et de culture © JustC/Tropical Studio American Way of Life : Manu Farrarons au volant de sa Chevrolet Malibu 1974 © JustC/Tropical Studio Le réputé Royal Heritage, lieu qui accueille le tatoueur Manu Farrarons © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio © JustC/Tropical Studio
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Tatoueur des plus réputés, Manu Farrarons est installé à Los Angeles depuis plus de deux ans, œuvrant au sein d’un des plus grands shop d’artistes tatoueurs de la cité californienne. Rencontre. Cet enfant du fenua fait maintenant découvrir et rayonner toute la beauté du tatouage polynésien.

« Là, tu as tes grands-mères. Ici, la danse et le voyage. Est-ce que cela te convient ? ». Assis sur un siège en cuir faisant face à sa cliente, Manu Farrarons, la belle quarantaine passée, pose son feutre de couleur sur sa table de travail. Dans un anglais maîtrisé doté d’un léger accent, le tatoueur polynésien prend le temps de discuter avant de « piquer », comme on dit dans le jargon, la cheville de Jessica, une danseuse américaine de ’Ori Tahiti, la danse traditionnelle tahitienne.

La jolie jeune femme de 27 ans n’a pas hésité à parcourir des kilomètres pour rencontrer celui qui gravera sa peau à jamais. Elle vient de Anaheim où réside son groupe jusqu’à Los Angeles pour se faire tatouer par cet artiste polynésien au style bien particulier. Un mélange de finesse, de grâce et de féminité. « J’aime son travail. Ce qu’il fait est unique et a du sens. C’est un vrai artiste », confie-t-elle à demi-allongée sur un des fauteuils du « shop », le Royal Heritage Tattoo. Comme beaucoup d’autres, elle a dû prendre rendez-vous près de cinq mois auparavant pour obtenir ce créneau.

Depuis son arrivée à Los Angeles en 2015, l’agenda de Manu Farrarons ne désemplit pas. Le tatoueur est complet plusieurs mois à l’avance, impossible donc de se faire « piquer » à l’improviste. Ce qui est aussi le cas des autres artistes du shop, véritable nid de talents américains.

Du talent à revendre

Situé à l’angle de la rue S. Crescent Heights Boulevard et W. 3rd St, dans un des quartiers les plus en vogue de la cité des Anges, le Royal Heritage Tattoo est connu aux États-Unis pour ses artistes de renom. Ici, personne ne fait dans la copie. Chaque tatouage est unique, chaque création est une œuvre et chaque artiste a sa spécialité. Manu Farrarons partage ainsi son talent avec les trois autres tatoueurs dont la majorité est féminine. Mais, pas de quoi impressionner ce Polynésien qui se démarque en étant le seul à faire du « free hand ».

En clair, l’artiste n’utilise pas de calque, il dessine directement sur la peau avant de tatouer. Un savoir-faire qui suscite l’admiration de ses confrères et consœurs, incapables malgré leur talent d’en faire autant. C’est entre autres pour cette qualité que Manu Farrarons a été appelé de Tahiti pour intégrer ce shop. Mais pas seulement. Si le tatouage Samoa est très répandu depuis quelques années en Californie comme dans le reste des États-Unis et du monde, grâce notamment à certaines stars qui le portent, dictant ainsi la mode à venir, le tattoo de Polynésie française talonne désormais son cousin samoan. « Il n’y avait pas encore de spécialiste du tattoo de Tahiti ou des Marquises, mais il y avait une demande. Depuis que je suis installé, cela marche très bien. J’essaye d’apporter quelque chose de nouveau avec ma touche perso ». Europe, Afrique, et même Polynésie… Les clients n’hésitent pas à parcourir des kilomètres, et parfois à traverser des océans, pour se faire tatouer par Manu Farrarons, formé à l’école polynésienne.

Un représentant de la culture polynésienne

Désormais loin de son fenua, Manu Farrarons n’en reste pas moins l’un des représentants de la culture polynésienne. D’abord en tatouant, ensuite en discutant avec ses clients faisant ainsi naître une curiosité soudaine pour la beauté de nos îles, puis en transmettant son savoir. Ses connaissances approfondies du tatouage polynésien attirent jusqu’aux universitaires californiens. En avril dernier, l’artiste a ainsi été invité à participer à un séminaire sur ce type de tatouage au sein de l’université Channel Island située à Camarillo dans le comté de Ventura.

Devant un parterre d’étudiants et de professeurs, il a parlé de l’histoire de cette pratique : son interdiction en Polynésie française par les missionnaires, son renouveau dans les années 1980 et son évolution jusqu’à aujourd’hui. Il s’est fait aider par sa femme polynésienne, devenue bilingue suite à des études en Australie, pour écrire son texte en anglais correct. Lorsqu’il s’est installé à Los Angeles, Manu Farrarons a embarqué avec lui celle qui partage sa vie.

Aujourd’hui, les époux louent un appartement sur Hollywood Hills, un des quartiers les plus cool et huppés de Los Angeles. Mais aussi un des plus artistiques. « Bouffeur » d’art, comme il aime se définir, Manu Farrarons adore se balader à bord de sa nouvelle voiture, une vielle Malibu Classic de 1974, et s’arrêter dans presque chaque coin de rue pour contempler des minutes durant les plus ou moins grandes fresques habillant les murs de la ville. « L’art est partout ici. Dans les rues mais aussi dans les musées ou les nombreuses galeries. Ça m’inspire», s’enthousiaste le tatoueur s’émerveillant sans cesse de la qualité des artistes à L.A.

À la conquête des États-Unis

Passionné et curieux, Manu Farrarons se sent désormais comme un poisson dans l’eau dans cette ville pourtant difficile à dompter par son immensité. Los Angeles étant la deuxième ville des États-Unis après New-York, elle peut très vite provoquer un sentiment de solitude. Mais, le tatoueur est plein de ressource. Artiste dans l’âme, il est aussi un musicien invétéré. Ce bassiste apprécie particulièrement la scène musicale de cette cité ayant vu naître et abritant toujours des artistes à la renommée internationale.

L’homme adore se laisser emporter par la scène funk de chaque vendredi au Rosalind’s Ethiopian, ou envahir par le rock au sein du vieux théâtre Henry Fonda fondé en 1920. Pour ne rien rater des évènements artistiques de la ville, Manu Farrarons dévore chaque semaine le LA Weekly, un hebdomadaire gratuit sur la culture à LA. Si l’homme mène une vie artistique riche et dense depuis sa venue en Californie, il n’en a pas oublié son goût pour la nature. « Ici, il y a beaucoup d’espace, on peut aller en voiture n’importe où. En décembre, on est partis avec les copains tatoueurs à la neige. C’était juste génial ». Le sud et le nord de la Californie, la Floride, le Nevada… Avec sa femme, Manu Farrarons part régulièrement à la conquête de ce vaste territoire que sont les États-Unis, toujours à bord de sa vielle Malibu.

https://www.manufarrarons.com/

https://www.facebook.com/polynesiantattoomanu/

Suliane Favennec

L’école polynésienne

Après une carrière d’instituteur sur le fenua où il a vécu plus de trente-six ans, Manu Farrarons a très vite troqué son crayon contre l’aiguille. Suite à un « pèlerinage » dans les années 1990 au Bishop Museum de Hawaii pour y effectuer des recherches sur le tatouage polynésien, l’artiste en herbe revient sur le territoire avec des articles traduits du célèbre anthropologue allemand de la fin du XIXe siècle, Karl Von Den Steinen, et du couple d’explorateur Handy. Leurs travaux sur le tattoo polynésien dont le plus connu reste le marquisien, ont permis de le faire renaître de ses cendres.

En découvrant la richesse de ce type de tatouage, ses symboles et leurs significations, Manu Farrarons a ainsi développé une passion qui n’a jamais cessé de grandir. À tel point qu’il intégrera les dessins marquisiens dans le programme de ses cours avec ses jeunes élèves.

Finalement, en 2003, il abandonne son métier d’instituteur pour se consacrer exclusivement au tatouage en reprenant le « shop » de son père Jordy, un des premiers à s’être ouvert sur Tahiti. Rapidement, il connaît le succès. « J’ai jeté à la poubelle tous les dessins de mon père qui faisait du copier-coller. Je n’aimais pas ce système. Pour moi, le tatouage doit être unique pour chaque personne car il raconte son histoire ».

Manu Farrarons trouve son style et le développe. Lorsqu’un client arrive, ce dernier lui soumet une idée de tatouage, ils en discutent ensemble, puis c’est à lui, artiste, de créer. Une façon de faire qui a inspiré bon nombre de jeunes tatoueurs polynésiens, venus dans son shop pour se former avant d’ouvrir le leur. Avec l’arrivée des réseaux sociaux, et sa participation à de nombreux festivals de tatouage, l’artiste étend sa renommée à l’internationale. Jusqu’au jour où il est débauché en Californie…

Tattoo : un artiste polynésien à Los Angeles
Tattoo : un artiste polynésien à Los Angeles
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Tatoueur des plus réputés, Manu Farrarons est installé à Los Angeles depuis plus d’un an, œuvrant au sein d’un des plus grands shop d’artistes tatoueurs de la cité californienne. Rencontre. Cet enfant du fenua fait maintenant découvrir et rayonner toute la beauté du tatouage polynésien.
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