La grande vallée de la Papenoo, sur la côte Est de Tahiti, est parcourue de nombreux chemins de randonnée partant à la découverte de son histoire archéologique et culturelle très riche, mais aussi de ses trésors naturels. Nous vous entraînons à la découverte de l’un d’entre eux, celui qui sillonne le domaine territorial de Te Faaiti, un lieu classé pour en préserver la beauté et la singularité depuis la fin des années 1980.
Te Faaiti est, comme son nom l’indique, une « petite vallée » accueillant la rivière de la Vaipaea. Cette dernière est un affluent de la Papenoo, cours d’eau qui est un fleuve côtier, et non une rivière, puisqu’il se déverse directement dans l’océan. La Vaipaea prend sa source sur les parois du Pito hiti (ou Pito iti, selon l’orthographe et la légende qui vous conviendront), deuxième plus haut sommet de Tahiti avec ses 2 110 mètres d’altitude. Te Faaiti est aussi connu pour être l’unique parc territorial de Polynésie française, officiellement classé comme tel depuis le 5 juin 1989, à l’initiative du ministre de l’Environnement au sein du gouvernement d’Alexandre Léontieff, Jacqui Drollet.
L’objectif était de préserver un « coin de paradis » encore vierge, alors que la vallée de la Maroto, à proximité, subissait d’énormes changements dus aux aménagements hydroélectriques qui y avaient été entrepris. Alors que la plus grande vallée de Tahiti était aménagée et bouleversée, la richesse naturelle et culturelle du site Te Faaiti était farouchement défendue par une poignée de personnes, les bénévoles de l’association Te Ana Opae (« la grotte penchée »), qui sont parvenus à la préserver. Ces derniers ont emprunté leur nom au lieu, qui sert le plus souvent de cadre aux pauses pique-nique. Un lieu qui offre un grand espace convivial agrémenté d’une petite cascade, d’un grand bassin et de plusieurs « sauts », allant de 4 à 7 mètres. L’un d’eux a d’ailleurs été surnommé « le saut de la mort » par les nombreux randonneurs ayant visité cette vallée. La présence d’une paroi oblique, qui servait certainement d’abri à une époque ancienne, explique cette toponymie.
La préservation de cette espèce est donc d’une importance capitale, autant pour le patrimoine polynésien que pour ses vertus médicinales. Non loin de là, on rencontre ensuite un zoo très particulier qui se présente sous la forme d’un enclos d’environ 200 mètres carrés. On n’y trouve pour l’instant aucun animal, mais il est prévu d’y réintroduire une espèce d’escargot endémique très répandue en Polynésie française jusque dans les années 70 : le partula. Ces escargots étaient autrefois si nombreux qu’on offrait aux personnes qui quittaient le pays non pas des colliers de coquillages mais des colliers confectionnés avec ses coquilles. En 1967, une personne introduisit une autre espèce, l’achatina ou « géant d’Afrique » (le gros escargot herbivore qui fréquente nos jardins) dans le but de le mettre au menu de la population… Mais celui-ci s’est trop bien acclimaté, au point d’envahir, au grand dam des agriculteurs, les îles et leurs cultures ! À la suite de cela, le Service du développement rural a décidé de réagir en introduisant un troisième escargot, l’euglandine, une espèce carnivore, afin de manger les gros géants d’Afrique et ainsi de protéger nos fa’a’apu. L’objectif a été plus ou moins atteint… sauf que l’euglandine s’est également attaqué, en guise de dessert, à nos chers partulas endémiques, beaucoup plus petits et fragiles. C’est ainsi que ces derniers ont quasiment été éradiqués de l’île de Tahiti. On en retrouve néanmoins de manière très parsemée dans certaines vallées et à une altitude supérieure à 1 300 mètres, environnement que l’escargot carnivore n’apprécie guère. Il convient de ne point les déranger et encore moins de les récolter ; les partulas sont inscrits sur la liste des espèces protégées relevant de la catégorie A.
Un accès bien indiqué
Le départ de cette randonnée se trouve au huitième kilomètre de la route dite traversière, à partir de la route de ceinture (deux kilomètres après le pont métallique). Un parking a été aménagé pour les visiteurs, au fond duquel un panneau et des plantations annoncent l’entrée de cette petite vallée. Tout de suite, on rafraîchit ses pieds en traversant la Papenoo. De l’autre côté, un magnifique jardin de fleurs et d’arbres fruitiers, puis un refuge en bois, sont là pour accueillir les visiteurs, y compris ceux qui n’iront pas plus loin.Nous pénétrons alors dans Te Faaiti à proprement parler, en commençant par franchir une forêt de ’ofe (bambous). Si nous tendons l’oreille, il est d’ailleurs possible d’entendre nos amies les fauvettes, toujours fidèles à ce type de terrain. Très rapidement, aux abords du sentier, on discerne également un discret fa’a’apu – un jardin en tahitien – qui a été mis en place par la Direction de l’environnement, en partenariat avec des botanistes et certains guides de randonnée. Il regorge d’espèces endémiques végétales en voie critique d’extinction, notamment le tamore mou’a et le ’autera’a tahiti qui ont été repérés de manière très isolée dans nos montagnes et replantés ici pour être préservés. Par exemple, concernant la première espèce, seulement une douzaine de pieds, parmi lesquels quelques reproducteurs, ont été trouvés.
De délicieux « secret spots »
Après cette digression zoologique, revenons à présent à l’itinéraire de notre randonnée. Le chemin entretenu est large (quatre mètres), ce qui est plutôt unique sur les sentiers polynésiens. Difficile de se perdre donc, excepté lors de la traversée de certains gués. Il est tout de même conseillé de prendre un guide, d’une part pour la sécurité (en cas de crue ou d’incident éventuel), afin de bénéficier de nombreuses informations au sujet de cette vallée (faune et flore, archéologie) et surtout pour profiter des nombreux centres d’intérêt aquatiques offert par le trajet mais qui ne se trouvent pas forcément sur le chemin principal (sauts, parcours ludiques). Il est possible, entre autres, de découvrir les curiosités naturelles suivantes (en partant de la Papenoo) :
– 4e gué : « le spot de l’arbre ». Ce lieu est appelé ainsi à cause de la présence d’un tronc d’arbre emporté jusqu’ici, il y a dix ans, par une énorme crue, et à présent bloqué sous deux énormes rochers. Il est possible, en franchissant cet obstacle (sous l’eau), de s’engouffrer dans un « rapide » pour remonter la rivière ;
– 7e gué : « le petit saut et les trois siphons ». Il s’agit d’une grande vasque alimentée par une cascade de 2 mètres, dans laquelle il est possible de s’initier à un saut de 3 mètres, et surtout de tenter non pas un, non pas deux, mais trois siphons. L’expérience consiste à passer en apnée sous des rochers, plus ou moins longs (à faire bien sûr sous une surveillance permanente) ;
– 8e gué : le lieu de Te ana opae ou encore dit du « saut de la mort » offre aux baigneurs un gigantesque bassin et aux plus téméraires la possibilité de tenter des sauts d’une hauteur de 4 à 7 mètres. L’endroit est aussi souvent choisi pour casser la croûte. Il est aisément reconnaissable par la présence d’un pied de ’ava, fë’i, un caïmitier (l’arbre qui produit des pommes étoiles) planté par l’association ;
– cinquante mètres plus en aval, à même le lit de la rivière, on trouve le parcours du « casse-noisette », où il est d’abord amusant de se laisser porter par le flux de l’eau, avant de remonter en rampant sous un rocher gigantesque, dans un « trou de souris » ;
– autre « secret spot » à valoir le détour, 5 minutes de marche en aval du 7e gué : celui du « bloc dantesque ». Pour le découvrir, il faut quitter le sentier principal pour rejoindre la rivière (ce carrefour est annoncé par un petit oranger). On s’y arrête le plus souvent au retour pour varier les pauses par rapport à celles de l’aller. De cet énorme rocher, il est également possible de sauter (6 mètres). Mais ce bloc peut aussi être franchi. Dans sa continuité, le passage du « dernier des Mohicans », derrière une cascade de 4 mètres, est le début d’un « parcours du combattant » aquatique qui permet de redescendre la rivière via différents passages ludiques. En levant la tête, on peut remarquer, en amont, le Pito hiti qui perce les nuages ;
– enfin, cinquante mètres avant de revenir aux voitures, la Papenoo permet de se rincer dans une petite vasque réchauffée toute la journée par le soleil. Le site déploie même une plage afin de se prélasser une dernière fois avant de se changer.
Cette randonnée peut être appréhendée de deux manières différentes : elle peut être réalisée jusqu’au 8e gué, le lieu dit de la « grotte penchée », avec des enfants à partir de 7 ans (2 h 30 de marche environ pour l’aller), en profitant pleinement des multiples centres d’intérêt décrits ci-dessus, ou alors être rallongée jusqu’au deuxième refuge, installé au pied des sommets Pihaiateta et Pito hiti au centre d’une prairie généreusement entretenue par la même association que celle qui s’occupe du sentier (3 à 4 heures de marche en plus, dont une demi-heure heure de montée). Un vrai jardin d’Éden, avec vestiges de marae, plantations d’arbres fruitiers et fleurs, poules et même toilettes isolées. Il est possible de réserver cet endroit magique pour le week-end auprès de Mike(87 33 78 87), le président de Te Ana Opae. Il est d’ailleurs vivement conseillé de le prévenir, non seulement pour être sûr d’avoir de la place mais aussi pour permettre à l’association de recevoir des subventions de la part du Pays. Enfin pour parachever le parcours, en poussant plus loin encore, il est envisageable de rejoindre les cascades se déversant sur les parois abruptes du fond de la vallée, dont le sentier a toutefois totalement disparu étant donné l’absence de passage pendant plusieurs années.
Jimmy Leyral