Tikehau, atoll modèle
Tikehau, un atoll de sable blanc et rose, précurseur dans bien des domaines. Quand paradis rime avec modernité. Découverte…
Tikehau est une étonnante couronne corallienne située à 300 km au nord-est de Tahiti. Elle se compose de près de 250 motu (îlots en langue tahitienne) déposés avec une apparente légèreté sur les pourtours d’un splendide et poissonneux lagon de plus de 40 000 hectares. Au nord-ouest de l’archipel des Tuamotu, à seulement 15 km de l’île de Rangiroa, cet atoll véritable don des dieux aujourd’hui protégé par l’homme, offre aux 507 « Tikehauiens » et à leurs visiteurs un cadre de vie exceptionnel, aux ressemblances troublantes avec ce « paradis » sur terre si cher à Bougainville. Doté d’une unique passe de 200 mètres de largeur (Tuheiava) et parsemé d’une myriade de hoa, ces chenaux colorés qui entaillent les bordures récifales, Tikehau est une source de fierté et de travail pour ses habitants vivant pour la plupart sur le motu Tuherahera.
Ce sont encore et toujours les mêmes cinq grandes familles qui vivent sur l’atoll. Attachées à leurs terres, elles aiment à rappeler et expliquer avec enthousiasme la traduction de « Ti- e-hau » aux visiteurs intéressés : « aller chercher la paix ». Une dénomination aux échos envoûtants particulièrement appropriée aux charmes exotiques et idylliques évidents de cette destination riche de 2 500 ha de terres émergées bordées de plages de sable fin blanc, parfois rosé. C’est là, les pieds dans l’eau ou dans le sable, avec des dégradés de bleus intenses et surprenants pour seul horizon… que la traduction de Tikehau prend tout son sens. Il n’est alors pas difficile de concevoir le pincement au cœur que disent ressentir les visiteurs à la fin de leur séjour. Sur cet atoll, le temps semble suspendu entre songe et réalité et l’on comprend pourquoi…
En d’autres temps la passe Tuheiava (ouest), qui fait aujourd’hui le bonheur des surfeurs en période de forte houle, permit la découverte de l’atoll par le navigateur russe Otto von Kotzebue (vers 1816). Ce dernier le baptisa « île Krusenstern », en hommage à un explorateur de la marine impériale russe Johann Adam von Krusenstern. Mais ce nom n’est plus usité depuis bien longtemps. Il s’est en effet rapidement effacé au profit de Tikehau ou plutôt Tiehau, conformément au dialecte Mihiroa. Cette langue pa’umotu, variante du tahitien, fut développée par les premiers arrivants, cinq grandes familles originaires des Iles Sous-le-Vent qui mélangèrent adroitement plusieurs dialectes existants. Le Mihiroa se caractérise notamment par l’absence des sons « G » et « K », d’où la fameuse prononciation « Tiehau » en lieu et place de Tikehau.
Au cœur des préoccupations : l’environnement
Les charmes de Tikehau ne seraient qu’éphémères sans une prise de conscience éco-citoyenne et l’investissement sans relâche de ses habitants pour la préservation de leur précieux environnement.
Rien de tel qu’une balade au village, à pied ou à vélo selon les goûts de chacun, pour apprécier comme il se doit les efforts de la population. Ainsi, aux abords du quai ou au détour d’une plage, il n’est pas rare de rencontrer des CPIA, essentiellement des jeunes femmes qui œuvrent de bon matin au nettoyage de la commune (CPIA : Convention pour insertion par l’activité prise en charge à 100% par le Pays). Un métier valorisant très apprécié des touristes qui peuvent ainsi profiter pleinement de l’authenticité de l’atoll, sans qu’interfère une quelconque pollution visuelle. En effet, le respect de cette si particulière atmosphère paradisiaque propre aux motu est désormais un enjeu environnemental et touristique essentiel qui nécessite la contribution de chaque Tikehauien et notamment des pensions, à grand renfort d’énergie et de détermination de la part de leurs conseillers municipaux.
Les plus attentifs remarqueront la présence de plusieurs dispositifs de tri des déchets disposés de-ci et là le long des routes du village. Mais loin de se contenter des fûts de collecte des déchets spéciaux peints en vert et jaune et des fosses recueillant les déchets verts, l’équipe communale met peu à peu à disposition de la population tout un ensemble de mesures respectueuses de l’environnement et de la santé publique. Cette année 2010, opère ainsi un tournant dans la vie des Tikehauiens qui voient leurs rues se parer d’étranges mâts munis de panneaux solaires. Une année à marquer décidément d’une pierre blanche en matière d’énergies renouvelables et de problématiques environnementales, avec l’adoption d’un autre projet et non des moindres: la potabilisation de l’eau. Jusqu’à présent l’accès des particuliers à cette ressource essentielle constituait l’une des contraintes géographiques et géologiques majeure pour ce petit atoll au sol calcaire en plein océan Pacifique.
Les plus attentifs remarqueront la présence de plusieurs dispositifs de tri des déchets disposés de-ci et là le long des routes du village. Mais loin de se contenter des fûts de collecte des déchets spéciaux peints en vert et jaune et des fosses recueillant les déchets verts, l’équipe communale met peu à peu à disposition de la population tout un ensemble de mesures respectueuses de l’environnement et de la santé publique. Cette année 2010, opère ainsi un tournant dans la vie des Tikehauiens qui voient leurs rues se parer d’étranges mâts munis de panneaux solaires. Une année à marquer décidément d’une pierre blanche en matière d’énergies renouvelables et de problématiques environnementales, avec l’adoption d’un autre projet et non des moindres: la potabilisation de l’eau. Jusqu’à présent l’accès des particuliers à cette ressource essentielle constituait l’une des contraintes géographiques et géologiques majeure pour ce petit atoll au sol calcaire en plein océan Pacifique.
Entre terre et lagon, les excursions ne manquent pas !
Le dynamisme de la population s’inscrit sur tous les terrains, proposant tour à tour étonnement et détente aux voyageurs pour un séjour bien rempli. Généralement conquis, ces visiteurs rapportent dans leurs bagages des souvenirs inoubliables aux reflets bleu lagon et sable blanc.
Pour obtenir ces résultats encourageants, diverses activités leur sont proposées par l’ensemble des professionnels du tourisme local (neuf pensions et un hôtel Pearl Beach). Un dynamisme qui garantit aux visiteurs d’agréables vacances, un savant mélange de découverte et de farniente, celui-ci n’étant évidemment pas proscrit sur l’atoll … Parmi les distractions appréciées du plus grand nombre, la plongée se trouve en bonne position. Du matin au soir, les rais de lumière bleutée dispersés sur les 28 km de longueur et 20 km de largeur du lagon captent les regards. Inlassablement, ils fascinent. Difficile donc de résister à une excursion sous-marine. Du snorckeling à la plongée en bouteille en passant par le baptême de plongée en bonne et due forme, les occasions ne manquent pas d’apprécier le ballet aquatique que semblent enchaîner avec grâce les raies, les petits requins à pointe noires, les demoiselles et autres poissons multicolores. Deux centres de plongée proposent sur place la découverte des abondantes faune et flore sous-marines de Tikehau. Les moins aventuriers sauront apprécier la transparence du lagon, rendant possible l’observation de ses richesses et de ses poissons hors de l’eau cette fois-ci, sur la plage ou sur un bateau.
Le motu aux oiseaux, une excursion incontournable
A l’horizon, les motu qui se dessinent de part et d’autre du lagon lui offrent un écrin de sable et de cocotiers aux attraits paradisiaques. Autant de reliefs calcaires qui se prêtent aux joies de la détente et des pique-niques ensoleillés. Parmi les excursions proposées, il en est une qu’affectionnent bon nombre de touristes : la visite du motu aux oiseaux, le fameux motu Puarua. Hervé, gérant de la pension Hotu, nous dévoile la beauté de cet îlot où foisonnent les noddis bruns, noddis noirs, sternes blanches et autres fous à bec bleu. Notre guide nous emmène à travers les broussailles et branchages enchevêtrés au centre de l’îlot. Les oiseaux y volent de toute part, impossible d’y échapper. Entre les Tournefortia argentea (tâhinu), les cocotiers Cocos nucifera (tumu ha’ari), et les Pandanus taccada (fara), Hervé nous aide à repérer de beaux spécimens et nous explique que les oiseaux ont pu s’approprier cette terre à défaut de prédateurs.
Un rapide coup d’œil de bas en haut, d’un arbre à l’autre suffit à confirmer ses propos. Les oisillons, les œufs, les nids encore couvés des adultes, y sont dispersés un peu partout. Le seul prédateur visible, s’il en est un, c’est probablement l’homme et en l’occurrence « nous » les visiteurs du motu. Quand l’heure d’achever notre balade arrive, une agréable surprise nous attend : une dégustation de bénitiers, pâhua en langue tahitienne. La sympathique Amandine qui nous a accompagné dans notre excursion en a pêché une quantité impressionnante pendant notre promenade sur le motu Puarua. Cette jeune femme énergique originaire de Tikehau nous propose de savourer les pâhua sur le bateau avant de rentrer au village. Sa technique de pêche qu’elle accepte de nous confier, a semble t-il porté ses fruits et ce pour notre plus grand plaisir. Avec ou sans citron, les amateurs ont apprécié…
L’exploitation des richesses de l’atoll
La découverte de cet atoll où il fait bon vivre est rythmée de rencontres. Celles de personnes volontaires et travailleuses qui souhaitent faire fructifier ce que leur environnement leur procure depuis bien des années.
Les défis ne manquent pas pour valoriser les ressources de Tikehau. C’est d’ailleurs dans cette dynamique, sur l’initiative d’une association de propriétaires fonciers tikehauiens et grâce au soutien de deux organismes publics polynésiens (le FDA ou Fonds de Développement des Archipels et le SDR ou Service du Développement Rural), qu’a été mise en place une scierie. Opérationnelle depuis 2003, celle-ci accueille continuellement des équipes de 4 personnes formées à la découpe du bois de cocotier. Il faut dire que ces travailleurs ont de quoi faire, la matière première ne faisant guère défaut sur Tikehau. Par jour, ce sont pas moins de 150 troncs d’arbres qui passent sous les lames aiguisées de chacune des deux machines de la scierie. Un tronc d’arbre nécessite en moyenne 15 mn de découpe avant de fournir les fameuses planches de bois qui approvisionneront les rayons de certains magasins tahitiens. En visitant la scierie on comprend que décidément, « tout est utilisable dans le cocotier » comme nous l’a confié Frédérix Teriiatetoofa, le maire délégué de la commune. Les noix de coco, le bois, la sciure pour le compost, les palmes pour le tressage…. Dans le cocotier tout est bon et les habitants en sont conscients. Soucieux de préserver cette richesse naturelle introduite aux Tuamotu à la fin du 19ème siècle, ils veillent de près à la régénération des cocoteraies. Ainsi, pour un arbre abattu (vieux de plus de 60 ans) deux cocotiers sont automatiquement plantés.
« Les fruits et légumes produits servent à la consommation personnelle des 5 adultes et 4 enfants résidant sur le motu », nous précise t-il. Le surplus est vendu chaque mardi au village Tuherahera et sur Tahiti au magasin Araka. Cette île Eden porte assurément bien son nom. Tout y pousse de façon biologique, des papayes aux citrons en passant par la vanille, les ananas et le maïs. Et nous n’avons pas encore tout vu. Notre étonnement est à son comble lorsque Jacob nous propose d’apprécier d’un peu plus près ce que l’on « trouve en Bretagne, à Guérande ». Incroyable, du sel est produit sur Tikehau. «L’eau est pompée au large et la toiture active la maturation. En moyenne, 500 kg de sel sont produits en un mois » nous explique t-il. Tikehau, un atoll où tout est possible.
L’ étonnant motu Eden, où tout semble pousser
Mais ces arbres nourriciers ne sont pas les seules ressources qui poussent sur le sol calcaire de l’atoll. Une excursion d’un autre genre, sur le motu Ohina cette fois-ci, permet de comprendre jusqu’où l’homme peut repousser les limites géologiques, avec une bonne dose de travail et de savoir-faire. Jacob, agriculteur, nous accueille au ponton de ce motu dénommé île Eden et nous fait parcourir les plantations biologiques auxquelles il se consacre chaque jour. Sur notre droite les figues de barbarie, les tomates cerises, les framboises et les surprenantes cerises à trois noyaux. Un peu plus loin les plantations de salade côtoient celles de choux-fleurs, d’aubergines et de potirons. Nous ne savons plus où donner de la tête.
Aux pieds des feo, Un passé légendaire
Sur le motu Tuherahera, les paysages qui défilent sont soudain marqués par la présence d’étranges pitons rocheux. Ces feo, fragments de récifs soulevés, regroupés à la pointe de l’ancien village sont les vestiges d’un passé géologique tourmenté semblant tout droit sortis d’une autre contrée, lointaine et montagneuse. Pourtant leurs formes abruptes et leur sombre couleur appartiennent bel et bien au patrimoine naturel de Tikehau. Ces roches noires, ces « falaises » comme disent les habitants, contrastent fortement avec la finesse du sable blanc d’où elles semblent surgir. Un panorama particulier qui fait la spécificité de l’atoll. Une protection contre les fortes houles du Sud qui fut le théâtre de croyances fabuleuses bien avant l’évangélisation européenne, lorsque le dieu Tû était prié et craint dans tout l’archipel. La charmante Marie-Louise Maru nous dévoile sans réserves l’un des mystères des feo : la légende de la « Cloche de Hina », Te Oe a hina, qui lui fut transmise par Toari Haoa. « Aux temps anciens Tikehau qui n’avait pas de reine possédait cependant une jeune fille prénommée Hina. Elle n’était pas de sang royal, mais elle respectait la nature à tel point que tous les habitants la respectaient en retour et lui prétendaient de supposés pouvoirs. Lorsqu’elle voulait se baigner dans la vasque située aux pieds des feo, elle avertissait son père qui frappait un grand coup sur les édifices rocheux en forme de cloche. Le signal qui résonnait sur tout l’atoll alertait alors la population qui ne devait pas se rendre au village, Hina étant sur le point de se baigner. En frappant deux coups sur la fameuse cloche, la mer remplissait la vasque et la jeune fille se baigner enfin. Trois coups signifiaient à la population qu’elle pouvait de nouveau circuler au village, la baignade de Hina étant terminée ». Cette légende dont il existe plusieurs versions lie l’histoire de Tikehau à ses roches et à sa terre.