Au cœur de l’archipel des Australes, ce lieu hors des sentiers battus propose à ses visiteurs la découverte des multiples visages de la beauté polynésienne. Entre vert émeraude et bleu azur, plaines et montagnes, culture et nature, passé et présent, un voyage inoubliable.
A partir de l’île de Tahiti, quelques dizaines de minutes d’avion sont nécessaires pour partir à la rencontre de l’archipel des Australes, peut être, le moins connus des cinq archipels du pays mais réservant de très belles découvertes. S’étendant sur 850 Km et positionné à cheval sur le Tropique du Capricorne, entre le 20è et 30è parallèle, les cinq îles qui le forment proposent la somme des charmes de la Polynésie avec les attraits des îles hautes et la beauté des lagons. A noter que les Australes, à la limite sud de la Polynésie française, constituent les dernières îles dans cette région du Pacifique avant… l’Antarctique, là-bas aux confins du globe vers le 70è parallèle… Entre les deux le bassin Sud Pacifique, vierge de toute terre ! Une grande distance et un long voyage que n’hésitent cependant pas à parcourir les baleines à bosse qui remontent des eaux de l’Antarctique durant l’hiver austral (juillet aout et septembre) pour hiverner dans les eaux plus clémentes de l’archipel.
Là, dans cet “avant poste” sur l’Océan, vivent, six milles trois cents Polynésiens représentant à peine 3 % de la population du pays…Des insulaires qui ont une identité culturelle bien distincte ainsi que leur langue, encore couramment parlée, le Reo Tuha’a Pae. Ils sont répartis dans cinq îles : Rurutu, Rimatara, Raivavae, Rapa et, bien sûr Tubuai. Au premier regard, cette dernière se dévoile comme un bel ovale aux dégradés de vert, ourlé d’une spectaculaire bande bleu azur, en fait son lagon, particulièrement large, vaste et beau. L’ensemble est comme posé délicatement au milieu de l’Océan Pacifique, comme surgi de nulle part. Une vision marquante, et une incitation à poser le pied sur cette terre de 45 Km2.
Puis après les explorateurs arrivèrent, 40 ans plus tard, dans ce bout du monde, les premiers missionnaires en l’occurrence les protestants de la London Missionary Society qui s’attaquèrent à la conversion des habitants de l’île. Le “choc des civilisation”, pour oser l’anachronisme, eu des conséquences dramatiques comme dans bien d’autres lieux du Pacifique Sud. En cause, notamment, l’apparition de maladies inconnues des insulaires, mais aussi l’introduction de l’alcool. Si les premiers explorateurs avaient dénombré, environ, 3 000 habitants à Tubuai à la fin du 18ème siècle, il n’en serait resté que 300 quelques années plus tard. La société traditionnelle pré-européenne s’effondra sous le poids du dépeuplement et de l’abandon des croyances anciennes qui constituaient un lien social fort. Ensuite l’île connue le même destin que ses voisines polynésiennes passant sous protectorat français en 1842 avant d’être annexé en juin 1880. Mais avec l’entrée dans le 20ème siècle, la démographie se rétablit petit à petit et ce que certains pensaient perdu à jamais pu revivre: traditions, histoires, langues… Aujourd’hui, avec 2 000 habitants, Tubuai est l’une des îles les plus densément peuplées de l’archipel.
Un environnement exceptionnel
Tubuai, ou plus exactement Tupu’ai de son réel nom polynésien, fut, probablement, peuplée aux environs de l’an mille, lors du grand mouvement d’installation des Polynésiens dans toutes les îles formant l’actuelle Polynésie française. Hélas, peu de données permettent d’en savoir plus sur les conditions et les dates exactes de cette arrivée sur des terres alors vierges de toute présence humaine. Quoi qu’il en soit, les nouveaux venus développèrent une société complexe, très structurée, imprégnée de religion et parfaitement adaptée à son environnement. Parsemant l’île, les vestiges de mara’e – des lieux sacrés – et les connaissances transmises de manière orale au fil des générations, attestent aujourd’hui de cette situation. Bien plus tard, en 1767, l’explorateur Samuel Wallis relève pour la première fois la présence de l’île. Mais la “découverte”, pour les Européens, est à mettre au crédit du célèbre capitaine Cook. Lors de son troisième voyage dans le Pacifique, il aborde l’île en aout 1777.
Elle en est le centre administratif bénéficiant ainsi de nombreuses infrastructures et services que lui confère ce statut. L’agriculture est l’activité dominante de l’île. Avec de vastes surfaces planes, la topographie s’y prête bien, fait rare dans nos îles. Une terre généreuse, un grand lagon tout aussi généreux et un climat plus tempéré font donc de Tubuai un beau jardin d’éden à parcourir et à découvrir. Attention, toutefois, le climat peut surprendre le visiteur qui devra prévoir des vêtements chauds, surtout pendant la période de juin à septembre. Mais qu’on se rassure tout de même l’Antarctique est très très loin…Et ce climat particulier, légèrement plus frais (températures moyenne entre 20 et 25 °C toute l’année), est des plus vivifiant et propice pour les activités tel la marche ! Le tourisme se développe sur l’île qui compte de solides atouts dont un environnement exceptionnel et aussi la richesse des sites historiques. De belles ballades dans l’environnement et la culture en perspective pour ceux qui mettront le cap au sud vers ces Australes et Tubuai !
Entre terre et mer
Visiteurs, du haut de cette montagne, tout Tubuai et son histoire, vous contemple ! A 422 mètres d’altitude, le Mont Taita’a, point culminant de l’île, propose à ceux qui ont affronté ses pentes, une vision à 360° de l’île. Un panorama figurant parmi les plus beaux du pays et qui récompense les efforts de l’ascension. A la recherche de la meilleure vue, le marcheur doit se faufiler dans un dédale d’imposants blocs de roches volcaniques aux formes acérées. Elles lui rappellent la genèse de l’île qui, à l’instar de toutes les îles de la Polynésie française, est un ancien volcan. Dix à douze millions d’année auparavant, il a surgi du fond de l’océan avant de s’éteindre. Puis il a été façonné au cours du temps jusqu’à son apparence actuelle : une tranquille île, entourée d’une grande formation corallienne, devenue barrière et séparant lagon de océan. Comme dans un livre ouvert, cette belle histoire se dévoile aux yeux du marcheur. A l’Ouest, on peut admirer la montagne dite de “l’homme couché”, culminant à 424 mètres avec le Mont Hanareho. Formant un beau demi-cercle, elle révèle aussi son origine volcanique puisqu’il s’agit des vestiges d’un plus petit volcan, plus jeune car actif 9 millions d’année auparavant. Mais il est temps de prendre le chemin du retour en parcourant le petit sentier qui suit la ligne de crête reliant le mont Taita’a au Mont Panee, son proche voisin.
Le grand vert
A plusieurs reprises, cet étroit sentier s’enfonce dans une végétation abondante et l’on progresse entre deux murs végétaux. Arbustes, mousses, lichens et autres fougères aux dimensions spectaculaires et aux formes étranges abondent. Le soleil des tropiques perce difficilement cette végétation. Une plongé dans le grand vert qui est loin des habituelles clichés et images de la Polynésie mais évoquant davantage quelques forêts amazoniennes voir préhistoriques. Pourtant cette Polynésie n’est guère loin. A la faveur d’une trouée dans la verdure, elle réapparait. Vers l’Est apparait le vaste lagon et les motu, des îlots de sables coralliens. On imagine aisément le soleil, sable blanc, les cocotiers, l’eau limpide… Un autre monde, un autre univers dans une si petite île… Puis en tournant son regard vers l’Ouest apparaissent deux vastes surfaces parfaitement planes, vision rarissimes dans nos îles. Ce ne sont certes pas des plaines mais des marais : Matavahi et Mihiura. Ils constituent une des grandes particularités de l’île, une des richesses avec leur flore spécifique.
Du coup, et contrairement à beaucoup d’îles polynésiennes, les habitations ne sont pas regroupées mais dispersées. Pas de village donc mais plutôt des petits regroupements de maison. Ce paysage est agréable à parcourir et on s’y plonge en faisant le tour de l’île et en suivant la belle route traversière reliant Mataura et Mahu par le cœur de l’île. De nombreux chemins parcourent les plaines et les piémonts pour desservir ces champs. Là encore, la plongée dans ce paysage est dépaysante avec ses tracteurs sillonnant les chants laissant apparaitre une terre noire que l’on devine fertile ou, alors quand les cultures sont faites des alignements de plantations. Vaches et chevaux paissent ça et là…Le visiteur pourrait se croire subitement transporté dans les terres agricoles des pays d’Europe ou d’Amérique du Nord. Mais des bananiers plantés en bordure de champs et sur les chemins et les impressionnants litchis ont tôt fait de ramener aux latitudes tropicales.
Féérie des plages
A noter que le littoral de l’île est – fait rare – constitué par une longue plage quasi -ininterrompue et donc particulièrement propice à de belles baignades. Là, sur ces nombreuses plages, ombragées par les arbres, se décline des palettes de couleurs impressionnantes. Le sable a, ici, des couleurs que l’on ne retrouve nulle part ailleurs : jaune, rosée, orangées… Une véritable féérie. Mais en dehors des contemplations esthétiques et des agréables moments de farniente, le lagon est aussi un élément clef de la vie de la population par les ressources naturelles qu’il procure. Celui de Tubuai est particulièrement connu pour son abondance en bénitier (Tridacna maxima de son nom scientifique). Une ressource convoitée mais que les Tupua’i veillent à préserver. Plus surprenant l’île ambitionne aussi de devenir un haut lieu pour la pratique du Kitesurf, un des tout derniers sports de glisse dans le vent pourrait-on dire car consistant à se faire tracter sur une petite planche par un grand cerf volant. Une discipline en plein essor dans le monde. Avec son vaste lagon et ses vents réguliers, le pari n’est peut être pas aussi insensé. D’ailleurs de nombreux windsurfeurs et Kitesurfeur débarquent déjà régulièrement pour s’adonner à leur passion dans cet environnement des plus agréables.
Terres fertiles
Après l’ascension et ses visions de rêve, retour plus bas, sur terre mais pas n’importe laquelle. L’île est souvent présentée comme un des “greniers” de la Polynésie française. Sa topographie particulière marquée par la présence de plaines, son sol et le climat tempéré sont des facteurs très favorables à l’agriculture. Un jardin sur l’Océan où se cultive, en abondance, pommes de terres, choux, carottes, tomates, salades, pastèques, et bien sur le taro, cet tubercule qui apprécie particulièrement les terrains humides et dont l’archipel des Australes s’est fait une spécialité. Elle est une plante pleine de vertu nutritive mais dont la culture est un travail difficile, car peu mécanisable. Les produits de l’agriculture sont consommés sur place mais aussi expédiés par bateau, à plus de 650 Km au nord, vers l’archipel de la Société, regroupant plus de 75 % de la population et donc la grande masse des consommateurs. L’organisation d’un tel circuit n’est pas une chose simple, on s’en doute. Mais ainsi sont les contraintes de l’insularité. Plusieurs centaines d’hectares sont donc mis en valeur sur l’île par les Tupua’i, comme se nomme, eux même, les habitants de l’île. Presque chaque famille possède son “domaine”.
Les témoins du passé
Dans la société traditionnelle pré-européenne, l’île avait apparemment une importance particulière comme en témoigne de nombreux vestiges de marae, ces lieux sacrés lien entre le monde des humains et celui, vaste, des dieux polynésiens. Ils accueillaient des cérémonies très codifiées, parfois sacrés mais aussi liées à des événements de la vie tel les naissances, la réalisation des tatouage et les rites de passages dans les différentes étapes de la vie. La société traditionnelle avait un fonctionnement très ritualisé comme en témoigne de nombreux lieux de l’île et plus particulièrement ceux de Taahuaia avec le marae Hano et le marae Haarii. Ce dernier possède une impressionnante pierre ou les familles royales de l’île effectuaient un rituel bien précis. Après la naissance, on y coupait le cordon ombilical des nouveaux nés. Il faut prendre le temps de partir à la recherche de ses lieux, vivant témoignage de la société ancienne.
Motu "One", le commencement
Mais la découverte de l’île ne saurait être complète sans une visite à un lieu étonnant et un peu irréel, le “Motu One” nom donné à un petit un banc de sable, zébré d’afleurement de corail, adossée à la barrière de corail juste en face de Mataura. De ce fragile îlot de sable blanc et dans la lumière déclinante de la fin de journée, Tubuai, surnommée l’île “verte” apparait dans toute sa beauté. Quelques nuages s’accrochent à ses hauteurs et on découvre toutes les nuances de couleurs créer par les différentes végétation. La présence humaine avec ses maisons et habitations se perd dans cette verdure. Une vision sereine et reposante comme un premier matin du monde.
Tubuai : l'impossible refuge des mutins du Bounty
De la mutinerie du Bounty à la fin du 18è siècle, sans doute la plus célèbre de l’histoire maritime, on ne retient bien souvent que le nom des deux principaux protagonistes : le honni capitaine Bligh et le rebelle second lieutenant Fletcher Christian. L’aventure a été largement popularisée par de nombreux ouvrages et surtout par quatre adaptations cinématographiques. En revanche, peu connu est le rôle jouée par l’île de Tubuai et ses habitants. Rappelons que lorsqu’intervint la mutinerie, le capitaine Bligh était en mission à Tahiti à bord du H.M.S Bounty pour en ramener des arbres à pain, uru en Tahitien. Les Anglais qui avaient repéré cette plante lors des voyages du capitaine James Cook, comptaient bien les acclimater dans les Caraïbes pour qu’elles constituent une nourriture bon marché pour les esclaves. Le 28 avril 1789 sur le chemin du retour à l’issu d’un séjour de plus de six mois sur l’île de Tahiti, une partie de l’équipage se rebella. Bligh fut abandonné sur une chaloupe avec les hommes d’équipages restés fidèle à son autorité. Connaissant le sort peu enviable réservé par l’Amirauté Britannique à tous mutins – la pendaison – leur leader Fletcher décida de trouver une “cache” plus sûre que l’île de Tahiti pour le navire et les hommes. Il jeta son dévolu sur Tubuai, terre isolée et moins connu. Il l’aborda une première fois le 24 mai 1789 mais du faire face rapidement à l’hostilité des habitants de l’île. Dans la bataille qui s’en suivit 12 insulaires auraient été tuées par les armes à feu et les canons de la Bounty. Ils n’avaient à leur opposer que des pierres et des lances ! Le lieu de cette première bataille, face à la passe Te Ara Moana, est resté dans la mémoire comme la “Baie Sanglante”. Elle est située à Mataura, à proximité de l’actuel aéroport.
Forteresse
Après être retournée à Tahiti, la Bounty fit une deuxième tentative d’installation un mois plus tard, le 23 juin 1789, insistant car ayant bien conscience des ressources abondantes de l’île. Furent amenées des provisions, du bétail et aussi des cadeaux pour tenter de se concilier les habitants de l’île. Mais l’incompréhension s’installa encore plus vite que les mutins qui ne perçurent pas la complexité de la société de l’île avec sa hiérarchie, ses coutumes, ses règles précises et élaborées. Loin de l’image du “sauvage”, en fait, ancrée dans les esprits Européens de l’époque. Comme un symbole de cette incompréhension et de ce fossé, les mutins entreprirent la construction d’un gigantesque fort dans ce qui est aujourd’hui le littoral de Taahuia. L’ouvrage était impressionnant avec des côtés d’une centaine de mètre, entouré de douves alimentées par les eaux et du lagon et un pont levis. Le navire et ses menaçant canons, constituait un élément de la défense de l’ensemble. La coexistence ne dura pas longtemps et les relations s’envenimèrent jusqu’à une grande bataille ou auraient péri plus de 60 habitants de l’île, décimés, une nouvelle fois par les armements modernes des Anglais. Finalement, le 17 septembre 1789, les mutins quittèrent cette île qui leur était maintenant hostile abandonnant la forteresse. Une partie d’entre eux décida alors de pousser plus loin encore vers l’Est pour se réfugier sur la minuscule île volcanique de Pitcairn, au bout du monde connu, hors de portée de la vindicte de la marine anglaise et loin du “paradis” tahitien, aussi. De cette rencontre improbable entre deux mondes et de ces événements ne subsistent aujourd’hui plus guère de trace visible. Sur la belle plage de sable blanc de Taahuaia, emplacement de ce qui fut ce Fort Georges, ne reste que les souvenirs et les récits de ses affrontements dans la mémoire collective de l’île.