Ua Huka, grandeur et nature

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Au cœur de l’archipel des Marquises, cette petite île présente une nature intacte marquée par des paysages d’une variété peu commune. Inévitablement séduit, le visiteur aura beaucoup de mal à quitter cette terre si accueillante et attachante.

A environ 1 300 Km au Nord-est de l’île de Tahiti, dans l’archipel des Marquises, Ua Huka propose à ses visiteurs une extraordinaire plongée dans une Polynésie hors des sentiers battus à la beauté brute et à l’environnement préservé. Haute silhouette aux formes tourmentées, l’île se présente aux regards sous la forme d’un «croissant» largement ouvert sur le Sud long de quatorze kilomètres et large de huit. Elle possède en son centre une puissante chaîne de montagne, formant un bel arc de cercle, ponctuée de crêtes dont le mont Hitikau qui s’élance à plus de 817 mètres au dessus de l’océan. Cette muraille de roches noires et de verdure trahit l’origine volcanique de cette terre du bout du monde car Ua Huka est constituée par les vestiges de plusieurs volcans et de leur caldeira, terme de spécialiste désignant un cratère effondré.

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Des siècles auparavant

Aux premiers abords ces terres peuvent sembler bien rudes, voire inhospitalières. Pourtant Ua Huka, comme ses consœurs de l’archipel des Marquises, est peuplée par les Polynésiens depuis des siècles ! Les dates d’établissements de ces premiers arrivants, en provenance des îles de la Polynésie Orientale, sont encore sujet à débat oscillant entre l’an mille et le 13ème siècle. Toujours est-il que c’est bien plus tard que les visiteurs européens et américains s’attribuèrent la «découverte» de l’archipel et de l’île. En juin 1791, Le capitaine français Etienne Marchand visualisa le groupe nord des Marquises composée de Ua Huka, bien sûr mais aussi Ua Pou, Nuku Hiva, Eiao et Hatutu. Il baptisa cet ensemble «îles de la Révolution», terme très en vogue à cette époque en France… Mais en fait, trois mois plus tôt, ce même groupe avait été aperçu par le navigateur américain Ingraham qui l’ avait nommé, de son côté, «Iles Washington »…

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C’est à l’issu de titanesques éruptions que l’île a surgit du fond de l’océan, plus de 3,2 millions d’années avant notre ère… Nouveaux épisodes volcaniques, érosions et variations du niveau de l’Océan se sont ensuite succédés au cours de milliers d’années pour modeler l’actuel visage de Ua Huka. Visage caractérisé par de profondes vallées qui «strient» l’ensemble de l’île et au sein desquelles sont situés les trois villages de Vaipaee, Hane et Hokatu. Ils regroupent l’immense majorité des 570 habitants qui profitent de l’ouverture vers la mer, via des baies au débouché des vallées, et d’une végétation davantage présente, tranchant avec le dénuement et l’aridité des landes occupant une grande partie de l’île.

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Une histoire de nom qui démontre bien la course aux possessions coloniales à l’époque. Mais c’est la France qui s’imposa finalement, annexant l’ensemble des Marquises en août 1842.Aujourd’hui les quelques cinq cents habitants de Ua Huka apparaissent, malgré le relatif isolement, attachés à leur île, ses particularités et ses richesses. Ici, la vie se doit d’être en étroite relation avec l’environnement : pêche, agriculture et l’élevage en semi-liberté (chevaux et chèvres) tiennent une place primordiale dans la vie quotidienne. Peu à peu le tourisme se développe. Grâce aux formidables atouts de l’île, au premier rang desquels son environnement bien sûr, mais aussi grâce à la volonté d’une population désireuse de partager ses trésors, comme en témoigne les nombreux petits musées et la floraison des pensions de famille. De Ua Huka, le visiteur gardera un souvenir et une trace forte car il aura fait plus qu’un voyage : il aura vécu une expérience inoubliable.

Diversité et beauté

Par l’étonnante variété de ses paysages et l’importance de ses richesses naturelles, l’île ne manquera pas de surprendre ses visiteurs. Découvertes et balade sur cette terre si attachante.

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Découvrir Ua Huka, c’est entreprendre un long voyage commençant dans la nuit des temps, trois millions d’année auparavant… Un lointain passé donné à contempler aux visiteurs d’aujourd’hui qui admireront l’impressionnante chaîne de montagnes barrant l’île de ses pentes abruptes, vestiges d’un premier volcan surgi de l’océan en ces temps bien reculés. Sur ses contreforts viennent, chaque soir, jouer les lumières du soleil couchant et du crépuscule proposant ainsi un spectacle toujours renouvelé. Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là. Le village de Hane et sa vallée se blottissent, aujourd’hui, dans un cadre qui doit tout à un ancien volcan portant le nom de ce même village. Il s’est déchaîné, à son tour, au sein de l’immense caldeira laissé par le premier volcan. De cette épisode, l’île a hérité d’un de ses lieux les plus emblématiques, l’îlot Motuhane, bloc de roche à l’étonnante forme de pain de sucre qui jaillit à plus de 100 mètres de hauteur, à quelques encablures du rivage seulement. Cet immémorial gardien de pierre semble ainsi protéger les baies de Hane et de Hokatu.

“Baie invisible”

Au Sud-ouest, dominant l’étroite baie de Vaipaee, dénommée la “baie invisible” tant elle est étroite, des pentes aux roches sombres couronnées d’un creux circulaire trahissent, de nouveau, la présence de vestiges volcaniques : ceux du Teepoepoe, en l’occurrence. Il a façonné cette partie de l’île à la suite du volcan de Hane, un million d’année auparavant. En avion et par temps dégagé, le visiteur ne peut que remarquer cette silhouette si caractéristique. Enfin, l’histoire ne saurait être complète sans l’évocation du Tahoatitikau, éteint depuis 730 000 ans seulement… Quelques secondes à peine à l’échelle des temps géologiques. ! Une belle balade de quelques heures au sein d’une végétation de lande, faite d’arbustes et de buissons, permet de faire le tour de son ancien cratère tout en découvrant de spectaculaires points de vue sur l’île. En levant les yeux, le visiteur ne peut pas manquer d’admirer le Mont Hitikau et son cortège de hauteurs avoisinantes, masses élevées qui accrochent les nuages, provoquant ainsi les indispensables pluies qui alimenteront les cours d’eau de l’île.

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Sous les frondaisons…

En attendant le retour de la pluie, la verdure résiste cependant dans les étroites vallées. Là est donc le refuge des troupeaux de chevaux que les propriétaires rassemblent mais aussi des habitants de l’île. Plus haut, on entre dans le domaine d’une végétation luxuriante qui tranche avec le dénuement de l’autre partie de l’île. De grandes cocoteraies s’étagent jusqu’au pieds des falaises, disposition singulière que l’on ne rencontre plus guère que dans l’archipel. Bien entretenues et exploitées, ces vastes cultures permettent la récolte du coprah qui, après séchage, sera vendu et expédié en direction de l’île de Tahiti. Une ressource et un travail difficile qui restent indispensables dans la vie de nombreux habitants de Ua Huka. Cette partie de l’île est également le domaine de denses forêts ou poussent des manguiers dont les fruits jonchent le sol (pour le plus grand bonheur des chevaux !), des bananiers et de majestueux Pandanus, Hau en Marquisien, dont les racines aériennes composent d’étranges formes. Banians, avocatiers et arbres à pain complètent cette végétation. Dans les hauteurs de sa canopée se cache également une des richesses les plus marquantes de l’île : ses oiseaux. 

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Allure de Far West

Surprenante terre que Ua Huka qui n’hésite pas à se transformer au fil des années et des saisons. Pendant les périodes de sécheresse, phénomène cyclique restant encore bien mystérieux dans la climatologie de l’archipel, une partie de l’île prend des allures de Far West : couleurs ocres dominantes, poussières, vent et buissons poussés par le vent. Les rivières asséchés deviennent canyons et sur de grandes étendues ne semblent pousser que pierres et cailloux. Là, une végétation jaunie et desséchée s’accroche pour résister à la chaleur et au vent de l’océan. Une quasi-désertification où ne manquent même pas les cactus, espèce végétale imprudemment introduite sur l’île et qui se plait évidemment dans un tel environnement au détriment des espèces endémiques. Le phénomène est accentuée par le vorace appétit des troupeaux de chèvres sauvages, redoutables prédateurs de la végétation et dans une moindre mesure par les troupeaux de chevaux. Des animaux semi sauvages car appartenant bien aux habitants de l’île même s’ils vaquent, parfois, à leur gré dans ses décors accentuant le sentiment étrange, au milieu du Pacifique Sud, d’être en plein cœur de l’Ouest Américain. L’éclatant bleu profond de la mer contrastant avec ses paysages vient toutefois rappeler que Ua Huka est une île située presque sous l’équateur… Pour admirer un tout autre Ua Huka, davantage conforme aux évocations des « verts paradis » tropicaux, le visiteur devra revenir après les périodes plus arrosées où il découvrira les mêmes paysages mais tout de vert parés !

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Le visiteur prêtera l’attention pour tenter d’apercevoir ses superbes oiseaux dont de nombreuses espèces endémiques de l’archipel telle la Rousserolle des Marquises ou komako en marquisien (Acrocephalus mendanae), le Ptilope de Petit-Thouars ou kiku (Ptilinopus dupetithouarsii), le Carpophage ou upe (Ducula galeata). Et, pour les plus chanceux ou les plus patients, le Lori ultramarin ou Pihiti, (Vini ultramarina), oiseau emblématique de l’archipel et malheureusement disparu dans toutes les autres îles. Sérieusement menacée d’extinction il a à Ua Huka, île préservée, son unique et ultime refuge. Par bonheur, tous ces paysages sont accessible par de nombreux sentiers et chemins. Une des balades les plus intéressantes et les plus accessibles est celle reliant le village de Hane à Hokatu, par la montagne, avec passage d’un petit col entre les deux vallées. L’occasion d’une belle découverte des multiples facettes naturelles de l’île par la montée dans la cocoteraie et la forêt. De magnifiques points de vue sur les deux vallées s’offrent alors aux randonneurs. Mais, évidemment, bien d’autres chemins sont aussi possibles pour bien d’autres découvertes.

Hokatu, vallée des arts

A l’extrémité sud-est de l’île, la petite vallée d’Hokatu est un haut lieu de la création artisanale. Toute une population s’y impliquent. Découverte.

Là où la route s’arrête comme renonçant à aller plus loin face aux falaises, se trouve la vallée de Hokatu et son petit village de 160 habitant. Un lieu séduisant, un peu comme hors du temps et de tout. Il s’en dégage une énergie particulière. A quelques mètres du bord de la petite crique où s’abrite les bateaux de pêcheurs, se dresse le fare artisanal. Des jeunes femmes du village s’y affairent pour entretenir les alentours car, ici, bat le cœur de l’une des activités phares du village : l’artisanat. Dans cette petite maison, étonnante caverne d’Ali Baba à l’entrée bordée de grands Tiare Tahiti, viennent s’accumuler les objets issus du travail de dizaines d’artisans : sculptures, essentiellement en bois, objets décoratifs et parures. «Sur les 160 habitants, on compte plus de 40 artisans explique, fièrement, Delphine Rootuehine, présidente de l’association Hanakatahi qui fédère les artisans de Hokatu et gère cet endroit, dépôt-vente ou chacun vient apporter ses production.Et, Delphine de poursuivre : «Hanakatahi, cela signifie, en marquisien, “jeune pousse” mais aussi “redresse toi”. Un message fort que nous voulons faire passer à nos jeunes ! ». On ne saurait qu’approuver l’objectif de Delphine, personnalité respectée et écoutée de l’île. Cette ancienne institutrice à l’énergie communicative tient, également, la pension, «Maurice et Delphine», unique pension du village de Hokatu et adresse bien connue pour les visiteurs de Ua Huka, au côté de son mari, Maurice Rootuehine. Ce dernier est aussi une des grandes personnalités de Ua Huka car il est considéré comme un des meilleurs sculpteurs de toutes les Marquises.

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A l’arrière du bâtiment dans la fraîcheur de l’ombre, des jeunes femmes de l’association sont à l’œuvre. Ici, on travaille en groupe pour mieux échanger les connaissances et les techniques. Les plus expérimentés – les aînées notamment – qui maîtrisent les savoir faire artisanaux traditionnels enseignent aux plus jeunes et aux débutants. Delphine tient beaucoup à cet échange au sein de l’association et de ses 27 membres. Deux jeunes femmes, Heiana et Vaehina confectionnent des colliers de graine aux couleurs vives, une des grandes spécialités de l’archipel et de l’île. L’une d’entre elle les perce. Un travail des plus délicats car il faut éviter leur éclatement. Minuscule, ils sont à peine visible entre les doigts. La matière première nécessaire est, certes, fournie gracieusement par la nature de l’île, mais encore faut-il passer de longues heures pour dénicher ses précieuses graines dont les couleurs sont entièrement naturelles. A quelques pas, Anne-Marie, une des doyennes de l’association, nous montre comment elle fait ses bananes séchées, là encore, une grande spécialité marquisienne.

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Après un séjour au soleil, le fruit est délicatement enveloppé dans de l’écorce de bananier séchée et, ensuite, le tout est attaché avec de la fibre de burau, H’au, en marquisien. Puis ensuite, Anne – Marie s’attaque à la réalisation d’une parure en fibre de coco, en fait les fils de la bourre. Une technique de tressage appelée puukaha en marquisien, et qu’une poignée d’artisans, seulement, maîtrise encore dans toute la Polynésie française. Plus loin, Antoinette, réalise un petit panier fait de feuille de cocotiers. En quelques minutes, le tour est joué …De quoi remplacer les sacs en plastique avec ce produit 100 % naturel et biodégradable ! Moins courant, Cindy, une des jeunes femmes du village travaille à la réalisation d’une noix de coco gravée avec une grande méticulosité, maniant adroitement une petite gouge. La démonstration que la sculpture n’est pas l’apanage des hommes…Elle grave délicatement des motifs qui sont des créations personnelles.

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Motifs complexes

 

A quelques pas, Calice peaufine la réalisation d’une superbe rame. Une pièce qu’il travaille et travaille encore, ciselant des motifs complexes. Le bois utilisé est le miro (bois de rose d’Océanie, thespesia populnea de son nom scientifique). Petit à petit, l’objet prend forme sous ses mains habiles. La sculpture sur bois est la grande spécialité de Hokatu et de ses artisans qui réalisent de magnifiques pièces : umete (un type de grand plat typiquement marquisien), boîtes à bijoux, représentations de tortues et de raies, des rames, des pièces de décoration, et bien sûr, des répliques de casse-tête et ti’i (tiki) anciens… Les créateurs peuvent s’inspirer du formidable patrimoine laissé par l’ancienne civilisation marquisienne qui avait poussé des arts tel la sculpture à un haut degré de raffinement. Un art reconnu unanimement même à l’échelle internationale. Mais le passé n’est pas le seule guide et les nouvelles générations réinterprètent et actualisent ce précieux héritage. Une fois le travail réalisé, il faut ensuite en assurer la commercialisation et la vente. L’arrivée de l’Aranui, un cargo mixte servant à la fois au transport du fret et aux activités de croisière, est attendu plus qu’impatiemment. Allant d’île en île et de vallée en vallée, ils amènent des touristes du monde entiers toutes les trois semaines environ. Sa visite est d’une importance clef pour les artisans de Hokatu. «Lorsque l’Aranui arrivent, les gens s’arrêtent », résume bien Delphine. De nombreuses ventes sont alors réalisées. Les revenus procurés sont importants pour les habitants. L’artisanat est une activité clef et son développement permet de donner des perspectives notamment aux nouvelles générations leur évitant, peut être, la rupture de l’exil vers d’autres îles, économiquement plus développées. Autres moments importants, les salons et expositions organisés régulièrement sur l’île de Tahiti. En bonne missionnaire de l’association, Delphine part alors avec les réalisations des membres de l’association faire découvrir les créations de son pays, de son île et de cette vallée où l’on espère que les jeunes pousses donneront de bien belles récoltes à l’avenir.

Ua Huka, grandeur et nature
Ua Huka, grandeur et nature
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Au cœur de l’archipel des Marquises, cette petite île présente une nature intacte marquée par des paysages d’une variété peu commune. Inévitablement séduit, le visiteur aura beaucoup de mal à quitter cette terre si accueillante et attachante.
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welcome Tahiti
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