Avec ses spectaculaires arrêtes volcaniques se dressant à plus de 1 000 m au dessus de l’Océan Pacifique et ses profondes vallées semées de vestiges des temps anciens, l’île de Ua Pou est une destination hors du commun. Pour le visiteur, Ua Pou est sera aussi une rencontre inoubliable avec l’âme et des Marquise. Découverte.
Situé à 1 300 Km au nord-est de l’île de Tahiti, Ua Pou est une des principales îles de l’archipel des Marquises. Géologiquement la plus jeune, Ua Pou présente une silhouette étonnante. Douze puissantes colonnes de phonolite, un type de lave particuliers lui donnent une configuration grandiose comparable à une véritable cathédrale baroque. Ua Pou est traversée du nord au sud par une ride montagneuse qui porte des sommets élevés, dont le mont Oave, qui culmine à 1 232 mètres et qui est le point culminant de l’archipel. Les plus anciennes traces de peuplement de l’île ont été découvertes par l’archéologue Pierre Ottino dans un abri sous roche de la baie d’Anapua. Elle remonteraient à environ deux siècles avant JC. Une période où l’île fut abordé puis peuplé par les premiers navigateurs polynésiens lors de la grande migration trans-Pacifique qui le mena d’Asie du Sud Est jusqu’aux actuelles îles polynésiennes.
Présents dès le 15 janvier 1840, les missionnaires catholiques eurent du mal à s’implanter. Ils amenèrent les « bonnes mœurs », interdisant de nombreuses formes d’expression culturelle traditionnelle. Ils interdirent également l’alcool et les armes à feu, deux fléaux, parmi les causes principales de la disparition d’une partie de la population, avec des maladies telles que la tuberculose et la variole introduites par les visiteurs extérieurs. L’île ne comptait plus que 400 habitants en 1885, contre 2 500 à la fin du 17ème siècle ! Un véritable saccage humain et culturel dont les Marquisiens mettront du temps à se remettre. Mais aujourd’hui avec ses 2 300 habitants, l’île de Ua Pou est la plus densément peuplée de tout l’Archipel. Le visiteur rencontrera une population dynamique particulièrement chaleureuse et qui est fière de ses racines et de sa culture, la culture marquisienne.
Pour bien saisir l’importance de cet acte fondateur, il faut rappeler que jusque dans les années 1870, toute forme d’expression culturelle était purement et simplement interdite : langue, tatouage, danse et même parfum! Une période qui va marquer l’âme marquisienne qui va refouler et renier sa culture adoptant celle des «colonisateurs » et surtout leur religion. Un siècle plus tard au début des années 1980, après tant d’années de dévalorisation et de culpabilisation, une véritable renaissance culturelle qui touche la Polynésie française. Mais c’est d’abord la culture « tahitienne » qui est remise à l’honneur. Toti Teikiehuupoko est stupéfait : chez lui, aux Marquises, on se réapproprie des danses «tahitiennes», oubliant que les Marquisiens avaient leurs langues, leurs chants, leurs danses, bref leur culture qui a rayonné pendant des siècles. Il faut donc réagir. Toti Teikiehuupoko ne sait pas exactement comment, mais pourvu qu’aux Marquises on revive «sa» culture !
Voilà comment, dans les années 1980, l’association a conquis tout l’archipel des Marquises. Voilà comment, en 1987, le premier Festival des Arts Marquisiens a vu le jour à Ua Pou. Par la suite, des «antennes» de Motu Haka ont été créé dans chacune des îles, pour finalement devenir à leur tour des associations, afin de bénéficier de fonds autonomes. Depuis 1991, Motu Haka est une Fédération et continue à rechercher et à promouvoir les traditions marquisiennes. Mais le parcours de Toti ne s’arrête pas là ! « Tout ce qui peut être sauvé de la culture doit l’être ! » Une belle ambition en passe d’être réussie.-
Ua Pou fut, sans doute, un des haut lieux de la civilisation marquisienne, une des plus riches du Pacifique Sud. Pendant plusieurs siècles, les anciens marquisien formèrent une société très structurée et hiérarchisée. Une civilisation qui s’épanouit plus particulièrement entre le 15ième et 18ème siècle de e notre ère. C’est bien plus tard que Ua Pou fut «découverte » par les Européens. En juin 1791, le capitaine français Etienne Marchand y débarqua et en pris immédiatement possession au nom du roi Louis XVI. Ua Pou fut ainsi le premier territoire marquisien revendiqué par la France, cela plus de cinquante ans avant l’annexion officielle de l’archipel en 1840 par cette même nation. Ua Pou resta cependant peu visitée par les navigateurs extérieurs en raison de l’absence de mouillage sûrs. De plus, l’île possédait peu de bois de santal, une matière première très recherchée à la fin du 19ème siècle et plus abondante sur les autres îles. Ua Pou se singularisait alors par sa gouvernance unique : un seul chef, Heato la dirigeait.
A la pointe du combat pour la renaissance culturelle marquisienne
Parmi les îles de l’archipel, Ua Pou est sans doute une des plus en pointe dans le grand mouvement de renaissance culturel marquisien, entamé au début des années 80. C’est d’ailleurs en 1987 à Ua Pou que s’est tenu le premier Festival des Arts des Iles Marquises. Une manifestation qui a puissamment contribué à ce renouveau tout comme elle en est devenu le symbole. Tout les quatre ans, sur l’une des îles les plus peuplées des Marquises, ce festival réunit des délégations venus de toutes les îles des Marquises. Des délégations provenant d’autres îles du triangle polynésien tel Hawaï, la Nouvelle Zélande ou l’île de Pâques sont aussi régulièrement invitées. Avec plus de 1 800 participants, le festival des arts s’est imposé comme l’un des plus important et des plus réputé du Pacifique Sud. Participants comme visiteurs sont conviés à un grand partage culturel au travers de multiples activités (danse, chant, sport, etc.). Comme un retour au source, 20 ans après la première édition, Ua Pou a accueilli ce festival en décembre 2007. A l’origine de cette manifestation se trouve l’association, Te Motu Haka Ote Henua Enana qui signifie en marquisien « Le rassemblement du peuple marquisien pour la défense de sa culture ». Elle a été crée le 31 décembre 1978 par Georges Teikiehuupoko dit Toti, instituteur de Ua Pou.
C’est Monseigneur Le Cléac’h, évêque des Marquises, à l’époque qui lui conseilla alors de monter une association pour la défense du patrimoine marquisien, sa sauvegarde et sa promotion. » Et s’est ainsi qu’est né l’association Te Motu Haka Ote Henua Enana. Mais le plus dur était à faire : convaincre les « anciens » de bien vouloir livrer des histoires considérées comme « païennes » et rendues tellement taboues par des années de déni. «Je me suis aperçu que les anciens détenaient encore une grande partie de la culture mais qu’ils ne voulaient pas en parler, explique Toti Teikiehuupoko. Toute leur vie, ils ont subi l’éradication culturelle. Et là, on venait leur demander de tout nous raconter parce qu’il fallait faire renaître la culture et les traditions ! » « Vous allez réveillez le paganisme, disaient les anciens ! Monseigneur Le Cléac’h était le président d’honneur de l’association et je dois dire que sa présence, même fictive, lors de nos tournées dans les îles, a été d’une aide précieuse. Cela a permis de débloquer les langues ! On répondait aux vieux : « si nous sommes des païens, alors Monseigneur est un païen puisqu’il est à la tête de notre association ! »
Hakahau
L’église catholique du village de Hakahau en pierre abrite des sculptures remarquables. Parfait exemple de syncrétisme religieux, les sculptures catholiques ont été réalisées par des artisans locaux dans un style bien marquisien. A ne pas manquer, la Vierge à l’enfant. Celui-ci tient un fruit de l’arbre à pain dans ses mains. Au loin, résonne le son grave des pahu et des haka. Dans la petite salle commune qui fait face à la baie de Hakahau, on répète en effet, les chants et les danses du « Mini Festival des Arts » de Tahuata. Longez la plage vers la gauche, puis montez en direction de la pension Pukue’e. En quelques minutes de marche, on atteint la croix blanche et une vue magnifique sur la baie de Hakahau et la plage d’Anaho, au liseré blanc et aux eaux turquoises.
Hakamoui, ou la « vallée du chef »
Direction la plage de Hakamoui, tout au fond de la « vallée du chef », appelée à tort la « vallée des rois ». Là, les langoustes et les poulpes abondent le long des falaises. Les raies manta se faufilent, inquiètes, alors que les requins pointes noires guettent les moindres faits et gestes des pêcheurs… Sur le retour, découverte d’un meae – équivalent du marae en marquisien- de Temenaha. Avec ses trois étages, c’est le plus haut de Ua Pou. Craint par la population, ce meae servait de lieu d’échanges spirituels aux chefs de tribus. On ne peut accéder à ce site sans la compagnie d’un habitant, car il est situé dans une propriété privée. On y admire alors des vestiges de sculptures anthropomorphes et un grand tiki en bon état. En fait, ce site a été pillé voilà plusieurs décennies. Les tiki qui ornaient les plateformes de pierre ont été arrachés à coup de burin ! Les collectionneurs européens de l’époque raffolaient des ces trophées « païens » qu’ils exhibaient fièrement dans leurs curios…Pour une partie des Marquisiens convertis au catholicisme, ces symboles n’avaient alors plus qu’une simple valeur marchande.
Samedi soir à Hakahau
Des enfants jouent sur la plage pendant que d’autres galopent à cheval. Plus loin, les parents font des parties de pétanque et des grillades sous le fare commun. Quelques minutes plus tard, trois poti marara accostent sur le quai. Ils rentrent de la pêche. Ils sont partis à trois heures du matin et il est 18h 30. Ils débarquent plus d’une tonne de poissons : des paru pêchés à plus de 200 mètres de profondeur, des thons, des tazars… Les habitants se pressent. On s’active à la pesée.
Hohoi
Départ de Hakahau en 4X4 pour Hohoi, sur la côte est. Tout au long du parcours, la géographie est tourmentée et la végétation luxuriante : tau, kauri, teck, cafetiers, eva, avocatiers, goyaviers, manguiers, noni et surtout acacias bordent la piste. Les acacias, comme les miconias à Tahiti, sont un véritable fléau pour la flore endogène de l’île. Introduits pour nourrir les chèvres, les acacias se sont particulièrement bien acclimatés et se sont mis à tout envahir en monopolisant l’eau du sous-sol ! Tout au long de notre route, de nombreux vestiges archéologiques : les pae pae sont partout, dissimulés par la végétation foisonnante. Ils sont le témoignage de la vie « du temps des Anciens », dont on sait finalement, encore peu de choses. Beaucoup d’interprétations, tout le monde a sa version de l’Histoire. L’oralité, forcément mouvante et équivoque, est toujours le mode de transmission. Finalement, l’important n’est pas dans la recherche d’une vérité, introuvable par ailleurs, mais dans une forme de communion avec son passé, ses ancêtres… pour mieux appréhender son avenir.
Hakahetau
La baie des requins, ou plage de Hakanai, est située à peu près entre l’aérodrome et le village de Hakahetau, à l’ouest. Croissant de sable clair et fonds limpides, surplombé par des falaises aux contours harmonieux, cette plage est une des plus belles de Polynésie française. Le village de Hakahetau, coquet, paisible, a un goût de bout du monde. Enluminée par une flore exubérante, l’église au clocher rouge, non loin de la plage de galets, fut la résidence de Monseigneur Le Cléac’h. L’évêque, qui fut également un des initiateurs du renouveau culturel marquisien avec l’association Motu Haka, vint y prendre sa retraite. Hakahetau est également une véritable pépinière d’artistes en tous genres : sculpteurs, bijoutiers, artisans traditionnels…