Si on parle de plus en plus des watermen, ces hommes « en connexion » avec la mer pratiquant un large éventail de sports sur et dans l’eau ; les femmes commencent elles-aussi à se faire une belle place dans les sports de glisse à Tahiti : paddle, surf, va’a et kite-surf. Aujourd’hui, les vahinés vivent elles-aussi en connexion avec la mer et des waterwomen s’imposent sur les magnifiques terrains de jeu que constituent les lagons et l’océan. Florence Oudin, qui pratique le va’a et le paddle surf, reconnaît que dans l’eau, il y a beaucoup d’hommes mais au boulot pour elle, c’est pareil. « Je vais souvent toute seule dans l’eau alors j’arrive, je shoote une vague et comme ça je pose les bases ! » s’amuse-t-elle. Aude Lionet, suscite même de l’inquiétude chez certains quand ils voient la jeune femme arriver dans une grosse « session » avec de puissantes vagues. Mais à la première glisse, ils comprennent qu’effectivement, elle gère ! Des sports de mecs ? Sûrement… mais avant ! Maintenant, place aux vahinés. Toutes reconnaissent avoir ce côté « casse-cou », mais il y a aussi une volonté de rivaliser avec les hommes et ne pas leur laisser le monopole de ces sports.
Certaines jeunes femmes impressionnantes sont totalement mordues de sport. La glisse, l’eau, mais aussi la course à pied ou la salle de sport font partie de leur quotidien. Un mode de vie dont elles ne peuvent plus se passer. Elles organisent leur emploi du temps en fonction du sport, se réservant toujours le maximum de sessions dans l’eau. Encore peu nombreuses, elles ont aussi une carte à jouer avec les sponsors qui sont en recherche de jeunes femmes « rideuses ». Mais toutes les vahinés à l’eau ne sont pas des « accros », les sports de glisse sont de plus en plus largement pratiqués par les vahinés comme un agréable moyen de détente, de plaisir et comme activités sportives régulières permettant de se maintenir en forme et de prendre soin de son corps. Du sport dans un cadre des plus agréables, loin des espaces clôt des salles. De plus, pourquoi s’en priver dans nos îles où beau temps, eaux chaudes et beaux plans d’eau sont au rendez-vous toutes l’année ! Une petite révolution qui bénéficie d’une évolution notable du matériel : moins lourd, plus maniable, il permet de rendre plus accessibles les sports nautiques. Fabricants et marques l’ont bien compris et proposent des produits ciblés pour ces waterwomen.
Aude Lionet
« Mon mode de vie »
« J’ai passé la journée à surfer ! » soupire Aude en s’asseyant. Et pourtant le ciel est gris et la pluie tombe depuis le début d’après-midi. Qu’importe. Les vagues étaient belles et cela a suffi pour que la jeune femme se mette à l’eau. Sponsorisée par la marque de paddle F-One depuis trois ans, Aude écume les spots de Tahiti. « J’ai commencé avec un boogie comme tout le monde ici. On s’amusait dans les vagues. J’ai toujours traîné avec des garçons », explique-t-elle. Et puis elle se met progressivement au surf et finalement teste le paddle surf, avec succès. Quand elle n’est pas au boulot, elle est sur l’eau. « C’est mon mode de vie. Et puis tu bronzes tout en faisant du sport ! C’est mieux que de faire la crêpe sur la plage ! » Aude encourage d’ailleurs les copines à s’y mettre. « C’est un sport fun, on est dans la nature, en connexion avec son environnement. C’est juste un plaisir. » Pas de frayeur ? Des erreurs qu’elle ne fait plus aujourd’hui. « Tout le monde se surveille sur les spots. Quand tu te fais brasser, ça ne sert à rien de se débattre. C’est la nature, elle est forte. Les erreurs permettent juste de mieux choisir ses vagues. » Nuits de la glisse, Ultimate wave, shootings photo, la jeune femme a maintenant de l’expérience mais se montre sage. Casse-cou « intelligemment », précise-t-elle pour « avoir du fun, sans se faire mal ».
Florence Oudin
« J’aime les challenges »
Florence Oudin est une amoureuse du sport et de l’eau. Elle raconte avec amusement comment elle est montée sur une planche de surf la première fois. Avec un grand-père installé sur la côte basque en France, la jeune femme a longtemps observé les déferlantes des longues plages du sud-ouest de la France. « Pour moi, le surf était inaccessible. J’allais tous les matins à la mer, on allait dans les vagues mais jamais avec une planche de surf. Les surfeurs me fascinaient. » Et puis, lors de vacances avec une amie, leurs copains passent leur temps à surfer. Les planches sont là, à disposition… Elle s’est lancée. La glisse, elle connaissait déjà. Toutes les vacances d’hiver sont passées au ski et Florence est une accro du snowboard. Mais le surf c’est autre chose : « Tu galères toute une session et puis tu prends une dernière vague et là tu as une sensation de glisse géniale. Alors finalement tu restes ! » C’est ça le surf : il faut s’accrocher pour ces moments éphémères de plaisir absolu. « Quand je vais courir, je sais comment ça va se passer. Le surf, c’est imprévisible. » La jeune femme est une mordue. Levée à 4 heures du matin, elle est dans l’eau dès que le soleil est levé. Le midi, elle part ramer avec les collègues de boulot et certains soirs elle enfile palmes masque et tuba pour une session d’apnée. La compétition ? Pas son truc : « J’aime les challenge par rapport à moi-même. L’adrénaline me booste mais gagner des trucs, je m’en fiche… »
Edwige Ibargaray
« Effrayant mais tellement beau »
Installée à Tahiti depuis dix ans, c’est finalement en Indonésie que le déclic s’est produit. Et depuis… « Si je ne vais pas surfer, je ne suis pas bien. » Ce qu’elle aime ? « Un sentiment de liberté, la glisse, le dépassement de soi… C’est un sport puissant, tonique. » Tous ses jours de repos sont donc consacrés au surf. Son copain, surfeur également, et elle, font le tour de l’île pour trouver le spot avec les vagues qui leur conviennent. Un enfant est arrivé, le rythme des sessions s’est ralenti mais le couple continue à penser « surf ». « Je peux passer des heures dans l’eau et ne pas prendre beaucoup de vagues. J’aime être dans l’eau. Quand tu surfes, tu vois la vague déferler à côté de toi et les coraux en bas. Bien sûr ça fait peur mais c’est tellement beau. Quand tu sors de là, tu as la tête vidée. » Edwige se trouve « nulle » mais s’en fiche ! Et puis l’adrénaline est bonne : « Quand je vois une vague, je me dis j’y vais, j’y vais pas ? J’y vais quand même et je crie ! » Se surpasser et se faire plaisir : une devise qui lui irait comme un gant !
Mareva Lopez
« Quand je ride, j’oublie tous mes problèmes »
Kite, wakeboard, surf, paddle… Mareva multiplie les expériences sur l’eau. Mais ce qu’elle préfère, c’est le kite. Cela ne fait qu’un an qu’elle pratique ce sport mais déjà son matériel ne la quitte pas. Toujours dans la voiture, au cas où… « J’ai passé des journées à bouffer du sable pendant que les copains ridaient. Ça m’a toujours tenté mais j’avais peur. » Une amie a fini par les inscrire toutes les deux à un cours et depuis Mareva n’a plus lâché. Après avoir pris des cours, elle est aujourd’hui accompagnée d’un coach. Son objectif : faire des figures, décoller de l’eau. « Je commence un peu à sauter, toujours dans les vagues qui servent de tremplin. C’est venu tout seul finalement », se rappelle la jeune femme. « C’est vrai qu’il faut se lancer. C’est impressionnant et dangereux mais si tu as peur de te faire mal, tu ne fais plus rien. » Et puis le plaisir d’être sur l’eau est intense : « Quand je ride, j’oublie tous mes problèmes. Et puis c’est un très bon sport pour muscler les fesses, les cuisses et les abdos ! »
Les vahinés, premières surfeuses de l’Histoire ?
Si évoquer le surf fait souvent tourner les regards vers Hawaï, considéré comme la Mecque de cette pratique, c’est pourtant à Tahiti que furent réalisées les premières descriptions de ce sport qui était couramment pratiqué dans nos îles dès… la fin du XVIIIe siècle, soit 220 ans auparavant. En 1788, un des matelots déserteurs de la célèbre Bounty restés à Tahiti, James Morrison, décrit dans son journal, publié par la suite, de véritables sessions de surf sur les côtes de l’île, précisant que pour « cet amusement » sont utilisés des « planches de longueur variable » en bois. Il détaille que « hommes et femmes excellent dans ce sport et certains sont même capables de se tenir debout sur la planche jusqu’à ce que la vague se brise (…) Ils sont très nombreux à pratiquer ce sport auquel ils consacrent plusieurs heures. (…) Les chefs sont en général les meilleurs dans ce sport ainsi que dans tous les autres, et leurs femmes ne leur sont pas inférieures ». Déjà donc des waterwomen qui tenaient la dragée haute aux hommes ! Mieux encore, dans la tradition orale ancienne analysée par différents auteurs, il est fait référence à une « surfeuse » célèbre, dénommée Hina-Raure’a, qui aurait vécu à Tahiti au XIV-XVe siècle, soit l’époque de la Renaissance en Europe… Elle était la femme de Turi, demi-dieu, et excellait dans ce sport qu’elle pratiquait sur des « spots » de la côte Est de Tahiti.
Marie Leroux